Elle stationne là, élégante avec pour message : Louez-moi : 06.23.17.19.53. Des passants s’arrêtent, l’observent. Un bleu céleste l’habille superbement. Elle a une classe folle. Une petite fille tire sur la chemise de son père pour le forcer à s’arrêter. Un gendarme s’exclame : hou la elle en jette !!! Les clients du café « le Bec à Vin » n’hésitent pas à traverser la route pour aller l’admirer. René, un pilier de comptoir bien imbibé, se lève, tente de se frayer un chemin qui se créée très naturellement au regard de l’odeur prégnante qu’il dégage et se met à crier : oh la salope !!! Il règne une douce cohue dans un intervalle temps qui n’a demandé qu’à s’arrêter l’espace d’un instant. Je me sens bien. Je n’ai qu’une envie, l’étirer encore un tout petit peu plus, juste histoire d’en profiter. La sirène des pompiers vient saborder ce doux moment dans lequel je me suis dissimulée. Retour à la réalité. Je me surprends à noter son numéro. Je ne sais pourquoi. Peut-être partira t’il à la poubelle, peut-être restera t’il au fond de mon sac des mois, voire des années. En tous les cas je sais qu’il est là.
Un homme d’une cinquantaine d’années que je vois au loin, look jeune et élégant, s’approche d’elle, s’y installe, mit le moteur en route et s’engage sur l’avenue. Il n’y a plus de cohue.
Je repris ma voiture que j’avais laissé au parking de cette délicieuse et charmante ville d’Uzès et retournai dans la chambre d’hôtes de Castillon où les propriétaires préparent l’apéro et le dîner du soir. J’ai décidé d’y passer 3 jours pour me ressourcer, visiter, lire, aller à mon rythme. En somme, me retrouver. Sandra, la maîtresse de maison me propose un petit goûter avec un sirop de menthe maison accompagné de petits biscuits à l’huile d’olive et à la fève Tonka.
Je prends le temps d’apprécier, de savourer, les papilles en émoi et moi consciente des petits bonheurs que je vis là.
Piquer une tête, me prélasser sur un transat en écoutant la musique provenant du pool-house. Autant de petites attentions qui viennent conforter mon envie d’aller de plus en plus vers les lieux, les gens, les situations qui me correspondent.
Le vent commence à se lever. J’ai un peu froid. Je décide de rentrer dans ma chambre pour me préparer à cette belle soirée. Ca me fait du bien de prendre soin de moi, de me crémer, de me pomponner. Je me suis oubliée en tant que femme ces dernières années. J’ai mis du temps à accepter.
Sandra et Yves, son mari ont préparé une jolie table. Tout est joliment pensé. Nous étions 5 à dîner mais un couvert de plus y est installé. Je n’y prête pas plus attention que ça. Sandra a préparé la vaisselle sur l’îlot central, une cuisine ouverte sur les gens entrain de dîner. Cuisine que je rêve un jour de réinstaller. Les hôtes de l’autre chambre sont là aussi présents, nous nous présentons, un couple venant d’une ville que j’aime tant, Marseille. Un ami est également convié, le 6ème couvert est élucidé.
Nous nous régalons de l’apéro sous la pergola, nous faisons connaissance. Puis nous nous installons autour de la jolie table, une grande planche de bois vieillie et cérusée qui a été de par son passé piétinée par du 43, 41 … outil de travail réinventé.
Sandra nous a joliment régalés en commençant par une tarte maison aux tomates du jardin, un risotto et piccata de veau revisités et une tarte aux figues avec filet de chocolat chaud, une idée qu’elle a voulu tenter et qui a bien fonctionné. Les verres de vin n’ont pas été en reste, ils ont bénéficié eux aussi d’une attention toute particulière.
Le temps passe au gré des échanges divers et variés, le genre de soirée que l’on aimerait réitérer tous les jours de l’année. C’est doux, bienveillant, drôle, inattendu parfois. Le 6ème couvert qui répond au prénom de Daryl vient tout droit du comté de Surrey à quelques encablures de Londres. Nous nous jetions çà et là des regards complices. Il parle très bien français et a ce je ne sais quoi qui fait le charme tout particulier des anglais. Je tente quelques phrases en anglais. Anglais qui m’avait lâché depuis de nombreuses années. Il me félicite. Les visages commencent à être fatigués, tirés, les femmes commencent à bailler, les hommes partent fumer leurs dernières cigarettes côté patio abrité. La soirée tire à sa fin. Il va être temps de nous quitter. Nous remercions Sandra et Yves de ce repas et de cette belle soirée. Je décide de raccompagner Daryl sur le pas de la porte. Il me tend discrètement son numéro de portable sur un morceau de papier et me passe la main dans le dos. Il vient poser sur ma joue un joli baiser tendre et prononcé. Je lève les yeux vers sa voiture, esquisse un sourire. Louez moi : 06.23.17.59.53 se tient juste devant moi.
Par Emije
Tout comme Ariane, même si le thème en est bien entendu différent, Emije nous propose ici un texte qui « boucle », et la fin retombe sur le début, ce qui donne une jolie cohérence. Il y a quelque chose d’assez cinématographique dans le texte d’Emije, je trouve: un sens du détail, de la descriptions des personnages, qui fait qu’on visualise vraiment les scènes et c’est très agréable. Autre chose agréable pour moi : c’est un texte, finalement, sur le bonheur : les petits, le grand qui pourrait venir (mais qui n’est qu’effleuré), en texte en quelques sorte en « pleine conscience », avec cette héroïne qui se sent présente à toutes ces petites choses importantes. Un texte, aussi, sur le temps présent, avec juste deux petites « échappées » (une sur le passé avec le « ces dernières années », une sur l’avenir avec cette fin ouverte), qui donnent de la profondeur de champ sans faire perdre cette unité de temps. Je trouve que tu rends tout ça bien, Emije.
Comme Ariane toujours (vous vous êtes donné le mot, ce mois-ci ?!), il y a par contre des choses bizarres avec tes temps verbaux, Emije. Ton texte est globalement écrit au présent, et ça me semble d’ailleurs un très bon choix compte-tenu de son aspect « ici et maintenant », mais il y a des portions au passé. Il me semble que tu gagnerais à lisser tout ça au présent.
De même, il y a un truc qui m’a semblé bizarre, c’est qu’elle voit le conducteur de la voiture dans la première partie du texte, même si c’est « de loin », et ne semble pas du tout le reconnaitre dans la seconde partie… C’est étrange, j’ai trouvé (attendons de voir si d’autres que moi ont tilté là-dessus… !).
Dernière chose : je crois que ton texte gagnerait à ce que tu l’enrichisses de « ressentis » dans le dernier paragraphe (où finalement, il se joue des choses importantes…). Tu fais au long de ton texte des petites incises de ressentis (« je prends le temps d’apprécier », « ça me fait du bien », etc…), et tu le fais moins dans le dernier paragraphe. Or il me semble que tu pourrais peut-être justement continuer, et jouer sur une légère modification de la couleur de ces ressentis, pour accompagner tes deux personnages dans cette dernière partie de texte.
Bonsoir Emije… C’est frais et tout romantique… et ça me parle. Merci. Il y a dans tes lignes beaucoup de références au bien-être, à la bonne chaire, au « prélassement », à une certaine volupté…. Alors pourquoi pas un plus de sensualité ? Par ex quand ton personnage aperçoit le fringant cinquantenaire… une remarque style ‘Miam, miam… ! » ou alors quand il arrive le soir et qu’elle le reconnait , une petite salivation, de petits gargouillis du ventre (disons même bas-ventre !!! ) pas forcément dus qu’au risotto !!!
Merci Gaelle de ton commentaire constructif, bienveillant, pertinent.
Pour répondre à ta question sur l’homme, ma première intention était effectivement qu’elle ne le reconnaisse pas. J’aurai dû apporter un peu plus de précisions à ce moment là, en ajoutant je le vois de loin, de dos, il porte un chapeau qui cache son visage …. L’idée est là.
Je vais retravailler mon texte en ce sens, passer ce qui est au passé au présent et apporter la touche de ressentis que tu aimerai voir au dernier paragraphe.
Ravie de tes ateliers Gaelle. Ils m’apportent, joie, bonheur, élan.
Bienvenue aux petits nouveaux et happy de retrouver les autres partipantes que je connais, sans vraiment les connaître ….. à travers leurs textes.
Merci Patchwork pour ton commentaire. Je comprends pour un peu de sensualité. Vous voulez en savoir plus, c’est ça 😉
Voilà mon texte modifié :
Elle stationne là, élégante avec pour message : Louez-moi : 06.23.17.19.53. Des passants s’arrêtent, l’observent. Un bleu céleste l’habille superbement. Elle a une classe folle. Une petite fille tire sur la chemise de son père pour le forcer à s’arrêter. Un gendarme s’exclame : hou la elle en jette !!! Les clients du café « le Bec à Vin » n’hésitent pas à traverser la route pour aller l’admirer. René, un pilier de comptoir bien imbibé, se lève, tente de se frayer un chemin qui se créée très naturellement au regard de l’odeur prégnante qu’il dégage et se met à crier : oh la salope !!! Il règne une douce cohue dans un intervalle temps qui n’a demandé qu’à s’arrêter l’espace d’un instant. Je me sens bien. Je n’ai qu’une envie, l’étirer encore un tout petit peu plus, juste histoire d’en profiter. La sirène des pompiers vient saborder ce doux moment dans lequel je me suis dissimulée. Retour à la réalité. Je me surprends à noter son numéro. Je ne sais pourquoi. Peut-être partira t’il à la poubelle, peut-être restera t’il au fond de mon sac des mois, voire des années. En tous les cas je sais qu’il est là.
Un homme d’une cinquantaine d’années que je vois au loin, de dos, plutôt grand et portant sur la tête un chapeau modèle borsalino s’approche d’elle. Dommage que je ne puisse voir son visage. Il me semble beau. J’aime son look jeune et élégant. Il s’y installe, mit le moteur en route et s’engage sur l’avenue. Il n’y a plus de cohue.
Je reprends ma voiture laissée au parking de cette délicieuse et charmante ville d’Uzès et retourne dans la chambre d’hôtes de Castillon où les propriétaires préparent l’apéro et le dîner du soir. J’ai décidé d’y passer 3 jours pour me ressourcer, visiter, lire, aller à mon rythme. En somme, me retrouver. Sandra, la maîtresse de maison me propose un petit goûter avec un sirop de menthe maison accompagné de petits biscuits à l’huile d’olive et à la fève Tonka.
Je prends le temps d’apprécier, de savourer, les papilles en émoi et moi consciente des petits bonheurs que je vis là.
Piquer une tête, me prélasser sur un transat en écoutant la musique provenant du pool-house. Autant de petites attentions qui viennent conforter mon envie d’aller de plus en plus vers les lieux, les gens, les situations qui me correspondent.
Le vent commence à se lever. J’ai un peu froid. Je décide de rentrer dans ma chambre pour me préparer à cette belle soirée. Ca me fait du bien de prendre soin de moi, de me crémer, de me pomponner. Je me suis oubliée en tant que femme ces dernières années. J’ai mis du temps à accepter.
Sandra et Yves, son mari préparent une jolie table. Tout est joliment pensé. Nous sommes 5 à dîner mais un couvert de plus y est installé. Je n’y prête pas plus attention que ça. Sandra prépare la vaisselle sur l’îlot central, une cuisine ouverte sur les gens entrain de dîner. Cuisine que je rêve un jour de réinstaller. Les hôtes de l’autre chambre sont là aussi présents, nous nous présentons, un couple venant d’une ville que j’aime tant, Marseille. Un ami est également convié, le 6ème couvert est élucidé.
Nous nous régalons de l’apéro sous la pergola, nous faisons connaissance. Puis nous nous installons autour de la jolie table, une grande planche de bois vieillie et cérusée qui a été de par son passé piétinée par du 43, 41 … outil de travail réinventé.
Sandra nous régale joliment en commençant par une tarte maison aux tomates du jardin, un risotto et piccata de veau revisités et une tarte aux figues avec filet de chocolat chaud, une idée qu’elle tente et qui fonctionne plutôt bien. Les verres de vin ne sont pas en reste, ils bénéficient eux aussi d’une attention toute particulière.
Le temps passe au gré des échanges divers et variés, le genre de soirée que l’on aimerait réitérer tous les jours de l’année. C’est doux, bienveillant, drôle, inattendu parfois. Le 6ème couvert qui répond au prénom de Daryl vient tout droit du comté de Surrey à quelques encablures de Londres. Nous nous jetions çà et là des regards complices. Il parle très bien français et a ce je ne sais quoi qui fait le charme tout particulier des anglais. Je tente quelques phrases en anglais. Anglais qui m’a lâché depuis de nombreuses années. Il me félicite. Les visages commencent à être fatigués, tirés, les femmes commencent à bailler, les hommes partent fumer leurs dernières cigarettes côté patio abrité. La soirée tire à sa fin. Il va être temps de nous quitter. Nous remercions Sandra et Yves de ce repas et de cette belle soirée. Je décide de raccompagner Daryl sur le pas de la porte. Je me sens comme une gamine de 20 ans, mon cœur palpite, j’ai la tête qui tourne. Oh la la, ça faisait longtemps que je n’avais pas ressenti ça. J’ai même des papillons dans le bas ventre, ceux si jolis dont on espère qu’ils reviendront un jour ….. Ah …… ils sont bien là. Hey nous revoilà !!! Daryl me tend discrètement son numéro de portable sur un morceau de papier et me passe la main dans le dos. Mes jambes ne me tiennent plus. Non pas que j’ai trop bu mais je crois bien qu’il me fait de l’effet. Il vient poser sur ma joue un joli baiser tendre et prononcé. Là, je pense que je vais m’effondrer. Puis je lève les yeux vers sa voiture, esquisse un sourire. Louez moi : 06.23.17.59.53 se tient juste devant moi.
Bonjour Emije!
La vie met parfois sur notre route certaines coïncidences, synchronicités, qui n’ont aucune explication rationnelle… Ta narratrice, qui s’est retrouvée dans le même espace spatio-temporel que Daryl en début de texte, à Uzès, le retrouve par la suite dans l’intimité de la maison d’hôtes où elle loge. Un heureux hasard ou le début d’une histoire tracée d’avance (c’était leur destin de se rencontrer?). Ton texte m’a semblé être le début d’une grande histoire d’amour (ou une passion charnelle intense!)… Cependant, j’aurais aimé que les échanges entre ta narratrice et Daryl soient davantage étoffés, pour que le « punch » final soit plus intense, plus renversant!
Textes avec belles descriptions qui donnent envie de partir en vacances! Bonne continuité!
J’aime bien ta version 2, Emije. Comme le dit Mélanie, c’est vraiment un texte avec de belles descriptions, qui donne envie d’être en vacances et de tomber amoureux un été…! Effectivement, l’idée de créer des échanges plus étoffés entre la narratrice et Daryl au cours du dîner est une bonne idée, mais il faudrait alors vriament « installer » ça tranquillement, et on ne serait alors plus sur une structure de texte court. ça nécessiterait plus d’espace. Mais si un jour tu en as envie, n’hésite pas, ce texte a un potentiel certain pour être développé, c’est vrai.
(il te reste deux verbes qui n’ont pas rejoint le présent, je crois: mit et jetions.)
ah j’aime vraiment bien la 2ème version, plus enlevée. Et puis on reste sur les petits papillons dans le ventre avec elle, en attendant la suite et c’est parfait. J’aime bien aussi tes descriptions de la nourriture, on mange avec elle! Et le texte qui boucle sur cette synchronicité, qui ne l’étonne pas tant que ça, c’est vraiment bien trouvé. On la voit évoluer dans le moment présent, le savourer comme une nouvelle manière de vivre et hop dans ces moments là, la vie te fait un cadeau… Finalement ton texte est savoureux, c’est le mot qui me vient.
Emije, j’ai trouvé dans ton texte une très jolie délicatesse, la simplicité si difficile à ecrire. J’y étais, ça m’a juste fait du bien, alors merci 🙂
« la simplicité si difficile à écrire », c’est tout à fait ça. Merci pour la formule, schiele. 🙂
J’ai bien aimé ton texte Emije et la boucle qui se ferme à la fin ;-)! Merci pour cette savoureuse lecture !
J’aime bien moi aussi ta 2ème version et je rejoins Schiele et sa jolie formule sur la délicatesse et la simplicité qui s’en dégagent.
Concernant le dîner, je crois que j’aurais aimé (mais les autres lecteurs ne seront peut-être pas du même avis 😉 ) un peu plus de nuances, moins de « tout joli/tout parfait » (du genre « même le risotto cramé n’a pas entamé la bonne humeur des convives ») ou alors moins d’explicite sur la beauté du moment, que cela transparaisse sans qu’on ait trop besoin de le dire. Je ne sais pas si je suis claire…
Merci pour tous vos commentaires Je suis touchée, émue, en joie.
Gaëlle, merci. Je modifie le temps des 2 verbes restants.
Ariane, oui, oui c’est clair et je comprends ce que tu aurais aimé. Cela pourrait faire l’objet d’une 3ème version où effectivement tout serait moins parfait….. A voir.
Après ce qui est décrit là, je l’ai vécu, ce sont mes ressentis car mise à part la fin avec le personnage de Daryl l’histoire s’est réellement passée ….. 😉
J’ai adressé mon texte à Sandra qui existe dans la vraie vie et qui a été très émue « de se voir » dans cet écrit.