« Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles. »
Oscar Wilde
Hanna Bauer, avec la lenteur qu’imposait le poids de ses nombreuses années sur ses vieilles articulations, pénétra dans le sombre bureau de son immense demeure californienne, une modeste pièce sentant le renfermé et la poussière endormie et qui ne servait guère depuis que son mari jouissait d’une retraite bien méritée. Assis devant la grande bibliothèque, Ethan Bauer, son troisième petit-fils — le plus jeune enfant de sa benjamine —, regardait avec attention les livres à sa portée. Il parlait déjà fort bien pour son âge, mais ne savait pas encore lire. Ethan agrippa l’ouvrage qui lui semblait le plus beau – un énorme livre à la couverture rouge et noir — et le tendit à sa grand-mère, en lui demandant de lui raconter l’histoire qu’il contenait.
Hanna rit ; bien qu’elle pût parfaitement lire ce manuel entièrement rédigé dans sa langue maternelle, elle n’était pas sûre de comprendre quelque chose aux « principes de thermodynamiques des systèmes fluides et des machines thermiques » ni que son petit-fils, américain de naissance, ne saisisse quoique ce soit à l’allemand technique. Elle rangea le livre et attrapa à la place, parmi une multitude d’albums remplis de photos de ses enfants et de ses petits-enfants, un modeste cadre aux bordures abimées.
« Installe-toi à côté de moi, demanda Hanna à Ethan, je vais te raconter l’histoire du brave Yuri. »
Elle montra le cadre à l’enfant qui sourit. Bien que Hanna sût pertinemment qu’Ethan, du haut de ses six ans, connaissait déjà ce récit par cœur — tout comme ses frères, sa sœur, ses cousins et ses cousines —, elle s’installa confortablement dans le grand et poussiéreux fauteuil du bureau et débuta l’épopée de Yuri, cet être à jamais perdu dans l’ombre de l’Histoire, et qui pourtant a permis par son sacrifice d’en écrire l’une des plus belles pages.
Lorsque Hanna rencontra Yuri en janvier 1963, il ne s’appelait pas ainsi ; d’ailleurs, il ne possédait pas encore de nom. C’est Johannes Bauer qui avait eu l’idée de le baptiser Yuri « comme le Soviétique », avait-il dit à sa femme, « celui qui est allé dans l’espace il y a deux ans. » Hanna ne comprenait pas pourquoi Johannes était rentré du travail avec un tel invité surprise. « Yuri est promu à un avenir exceptionnel », se justifia-t-il lorsqu’elle lui demanda quelle mouche l’avait piqué, « en attendant d’accomplir sa mission, il a besoin un foyer et de l’attention. D’où il vient, ça manque cruellement de tranquillité. Tu veux bien t’occuper de lui quelque temps ?
— Mais pourquoi nous ? Tes autres collègues, ils possèdent tous de grandes maisons avec jardin ; nous, nous vivons dans un tout petit appartement ! »
Johannes ne s’expliqua pas davantage, mais Hanna se doutait bien de ce qu’il s’était passé : on l’avait désigné et il n’avait pas protesté. Depuis qu’ils avaient débarqué d’Allemagne quelques mois plus tôt, Johannes se laissait marcher sur les pieds. Hanna ne comprenait rien à l’anglais mais savait très bien ce qu’on disait d’eux en ville ; plus d’une fois, elle entendit les mots « nazi » et « Hitler » lorsqu’elle se promenait dans les allées du centre commercial ou achetait ses provisions à la petite boutique du coin. Ils n’étaient que des enfants durant la Grande Guerre ; mais aux yeux des Américains de cette tranquille bourgade située dans le sud de la Floride, ils en demeuraient les responsables.
Le lendemain, Johannes partit très tôt pour son travail laissant Hanna et Yuri faire plus amples connaissances. Bien entendu, Yuri ne parlait pas. Il se contentait de regarder Hanna dans les yeux, sans bouger ni rien réclamer. Elle ne sut quoi faire de cette première journée, alors elle l’amena au parc de la ville — parc dans lequel elle n’avait encore jamais mis les pieds. Une fois qu’ils se trouvèrent au milieu des arbres, Yuri s’excita : il marchait, droit devant elle, reniflait tout ce qu’il dénichait, poursuivait avec passion les quelques lapins qui croisèrent leurs routes ; il semblait véritablement s’amuser ! Une vieille dame assise sur un banc aborda Hanna et lui parla de Yuri ; la jeune femme arriva à saisir que c’était un Lakeland terrier, un chien d’à peine deux ans, vu sa taille et sa vigueur à la course. Hanna n’avait jamais adopté de chien, mais elle réalisa que la compagnie d’un tel animal se révélait bien plus agréable que celle de la télévision, objet diabolique que Johannes lui avait payé quelques semaines plus tôt et qu’elle regardait toute la journée sans rien y comprendre, faute de s’occuper avec autre chose.
Très vite, le parc devint la sortie quotidienne pour Yuri et Hanna ; et très vite, la jeune Allemande, qui se sentait seule et isolée sur les terres du Nouveau Monde — Johannes, avec son poste d’ingénieur aéronautique à la NASA n’avait que peu de temps à lui accorder —, loin de sa famille et de ses amis trouva dans ce petit être muet au poil frisé et à l’haleine fétide le meilleur des compagnons. Le chien montrait chaque jour à Hanna tout l’amour qu’il lui portait ; et s’il n’était pas dehors en train de gambader, il demeurait auprès de sa maitresse, à dormir ou à lui lécher tendrement le visage, avec toute l’affection qu’un représentant de son espèce pouvait prodiguer.
Le printemps arriva ; les promenades s’allongèrent délicieusement. Johannes quittait l’appartement tôt le matin pour attraper le bus qui l’amenait à Cape Canaveral Air Force Station ; Hanna et Yuri sortaient en même temps que lui et ne revenaient pas avant le soir. Ils ne restaient plus au parc mais s’aventuraient en pleine forêt, remontaient les quelques sentiers de randonneurs, marchaient des kilomètres et de kilomètres avant de prendre le chemin du retour, éreintés par leur longue excursion et le trop-plein d’oxygène, mais heureux d’avoir partagé un agréable moment au beau milieu de la nature.
Hanna aimait Yuri, et Yuri vivait pour Hanna. La jeune femme, ivre de bonheur pour la première fois depuis longtemps, oublia complètement la directive de son mari de « ne pas s’attacher au chien » ; et c’est pour cette raison qu’elle tomba de si haut, lors cette terrible soirée de juin où Johannes revint du travail avec une caisse de transport pour animaux.
« C’est l’heure de la mission pour Yuri », avait-il déclaré sur un ton de victoire en pénétrant dans le salon, « demain il sera un héros ». Hanna n’avait jamais demandé à Johannes en quoi consistait la mission de Yuri — comme tout le reste, c’était probablement top secret —, mais ce soir-là, elle osa.
« Yuri se rend là où toi et moi n’irons jamais » et Johannes pointa le ciel nocturne, plus précisément le quart de lune qui flottait dans la nuit noire et dont l’éclat traversait les carreaux de la fenêtre « il va embarquer dans une capsule spatiale qui va orbiter autour de notre satellite. Réalise : Yuri va observer la face cachée de la lune ! Même les Soviétiques n’ont pas encore réussi un tel exploit, et nous devons devenir les premiers à y parvenir ! »
Hanna n’écoutait pas ; tout ce qu’elle comprenait, c’est que Johannes et ses collègues allaient placer son seul compagnon de vie dans une minuscule boite en métal puis l’envoyer dans l’espace ! Elle ressentit un énorme serrement au niveau de sa poitrine et des lames au fond de sa gorge ; puis ses yeux se gonflèrent et elle éclata en sanglots. Elle attrapa Yuri et le pressa fort contre elle.
« Chérie, rassura Johannes, c’est sans risque ! Ce n’est qu’un tout petit voyage de dix jours, de courtes vacances ! Ensuite Yuri revient à la maison pour toujours. J’ai déjà demandé à l’administration. Il y aura une période de quarantaine, quelques contrôles de son état de santé et ça sera bon : la NASA nous le cèdera définitivement. »
Hanna avait-elle le choix ? Yuri, il appartenait officiellement à l’agence spatiale, et elle n’y pouvait rien. Elle réalisa à quel point ce petit animal, arrivé depuis bien peu de temps dans sa vie l’avait complètement chamboulée. Dix jours… c’est vrai que cela semblait court, très court même ! Johannes avait raison après tout, elle en profiterait aussi de ces vacances, pour ranger la maison, aller au centre commercial — ça serait plus facile sans chien —, se faire plaisir en attendant le retour de son protégé ; mais bien qu’elle faisait confiance à son mari, bien qu’elle se délectait de ces futurs moments, elle ne pouvait s’empêcher de craindre ce voyage, cette plongée dans l’inconnu pour un si petit être sans défense ! Devant Johannes, Hanna resta forte et compréhensive, mais le soir elle ne dormit pas.
De ses vieux yeux usés, Hanna regarda tendrement la photo dans le cadre que son petit-fils lui donnait. Jeune, souriante et en maillot de bain, elle tenait dans ses bras Yuri qui tirait joyeusement la langue.
Cette formidable journée, elle s’en souvint toute sa vie, le dernier dimanche avant la mission de Yuri, Johannes avait loué une voiture et tous les trois partirent pour l’océan, première balade en famille depuis leur arrivée. Le soleil frappait fort, la mer léchait la longue et uniforme plage et le sable brûlait délicieusement la plante des pieds d’Hanna ; elle avait du sel dans les cheveux, sur le front et le bout de la langue ; elle entendait le paisible ressac des flots, les cris de joie des enfants, et les doux aboiements de Yuri. Qu’il était heureux ! C’était probablement la première fois qu’il découvrait l’océan, et il ne se privait pas de sauter dans les vagues puis de revenir en courant vers Hanna, pour secouer sa fourrure pleine d’eau salée ; quant à Johannes, il montrait une incroyable gentillesse et beaucoup d’attention, comme au tout début de leur relation. Il avait préparé des sandwichs et dressé une nappe sur le sable, débouché une excellente bouteille de vin californien ; il avait même dégoté un appareil photo pour l’occasion !
Le jour du lancement, Hanna ne fut pas autorisée à rentrer dans la base. Elle souhaita un bon voyage à Yuri en baisant son petit museau, juste devant la maison, à quatre heures du matin, avant que son mari ne l’embarque dans la grosse berline noire qui devait l’emmener si loin.
« Tiens » dit Johannes en tendant cette photo d’un dimanche à la plage et qui demeurerait dans la bibliothèque des Bauer un demi-siècle plus tard « j’avais oublié de te la donner. J’en mettrais un exemplaire dans la cabine de Yuri, pour lui porter chance ! »
Johannes embrassa Hanna, plaça Yuri et sa cage à l’arrière de la voiture et referma doucement la porte. Avant de monter à son tour dans le véhicule, il s’adressa une dernière fois à sa femme avec un large sourire.
« Ne t’inquiète pas, tout va bien se passer ! »
Yuri ne revint jamais.
Johannes expliqua à Hanna que les Américains, incapables d’adopter le système métrique international, devaient toujours transformer les mètres en miles, les degrés Celsius en degrés Fahrenheit ; et l’opérateur — un garçon qui n’était jamais sorti du pays — avait omis cette conversion d’écolier lorsqu’il entra les coordonnées du vaisseau. À cause de cette erreur, Yuri avait raté la lune pour foncer vers les étoiles…
On n’officialisa jamais cette bévue ; les États-Unis, en pleine course à l’espace avec le bloc soviétique, ne pouvaient se permettre d’annoncer un échec si cuisant. La mission fut enterrée, on coupa les communications avec le module de Yuri et on s’empressa d’oublier cette petite embarcation en métal qui s’enfonçait dans la froide éternité du monde intersidéral. Malgré cela, le brave chien remplit son objectif : il montra des signes de vie trois semaines après le début de son périple, prouvant ainsi qu’un tel voyage hors de la Terre s’avérait possible, et ouvrant la voie à la conquête de ces espaces infinis.
Combien de temps Yuri survécut ? Que pensa-t-il ? Éprouva-t-il de la peur, seul dans cette cage d’acier et d’électronique ? Où se trouvait-il maintenant ? Arriverait-il quelque part un jour ? Hanna se posa ces questions durant bien des années sans jamais avoir de réponses ; tout ce qu’il restait de ce fidèle compagnon était cette photo qu’elle tenait chaleureusement de ses mains ridées. Une statue de Laïka trônait dans de nombreuses villes soviétiques ; Yuri ne possédait même pas une tombe à son nom.
« Tu m’as déjà raconté cette histoire la semaine dernière, mamie ! » lança d’un ton accusateur le petit Ethan en regardant Hanna.
« Je sais mon ange, et je te la raconterai bien d’autres fois, à toi, à tes sœurs et à ton frère, comme je l’ai conté maints soirs à ton papa, tes oncles et tes tantes, pour que vous n’oubliiez pas Yuri, pour que, à votre tour, vous racontiez son histoire à vos enfants et vos petits-enfants ; et qu’à chaque fois qu’un Bauer lève les yeux au ciel il ait une tendre pensée pour Yuri. »
Et c’est ce qui se passa.
Bien des décennies après la mort d’Hanna, ses descendants continuèrent de raconter la fantastique épopée de Yuri, le petit chien qui, dans sa capsule spatiale, s’éloignait encore et toujours, avec à son bord une photographie de leur lointaine grand-mère ; et alors que cette histoire même, après de trop nombreuses générations, tomba dans le plus total des oublis, Yuri, lui, n’avait pas effectué un centième de la distance qui sépare le soleil de sa plus proche étoile. Néanmoins, l’éternité convertit le hautement improbable en certitude, et c’est après une infinité de millénaires, alors que sur Terre, l’humanité avait disparu, que le ciel nocturne était devenu méconnaissable et que les lents mouvements des continents avaient drastiquement changé le visage de la planète ; seulement après ce temps inimaginable, inconcevablement interminable pour un simple être humain coincé dans sa courte et misérable existence, que le vaisseau de Yuri débarqua, quelque part ; et les yeux intelligents qui se posèrent sur la photographie, unique preuve du bref passage dans l’Univers d’Hanna et de Yuri, ne ressemblaient en rien à ceux qu’on trouvait sur Terre.
Etonnante histoire, je suis sidérée par ce que cette photo a pu t’inspirer. C’est bien trouvé, prenant, passionnant. L’idée n’est pas que savoureuse, elle est aussi fort bien racontée.
Si je peux me permettre, je pense que le paragraphe qui concerne la photo elle-même, n’arrive pas au bon moment. L’intrigue, le départ de Yuri dans l’espace est dévoilé à ce moment là, du coup on a envie de connaitre la suite et non les conditions dans lesquelles a été prise la photo. Peut-être ce paragraphe devrait-il arriver plus tôt. Mais ce n’est qu’un détail.
La chute laisse rêveur, ouvre sur d’autres mondes, c’est amusant, une façon originale de clore l’histoire.
Enfin, j’ai bien aimé le contexte choisi, celui de cette femme narrant à son petit-fils des fait qu’elle lui a déjà cent fois racontés ainsi qu’à tous les autres membres de la famille. C’est touchant, ça montre l’importance qu’a eu ce petit chien dans la vie d’Hanna, sans tomber dans le pathos. Bref, un texte vraiment insolite et captivant de bout en bout.
Merci Betty pour ton retour. C’est marrant, mais justement, j’ai déplacé plusieurs fois la description de la photo ! Et en relisant, je me dis qu’elle a plus sa place au tout début. J’adore ce genre de suggestion !
pareil que betty: que cette photo inspire un tel déroulé…. c’est dingue!
mais ça fonctionne plutôt bien. on se laisse faire par le récit mais suis moins convaincue par la seconde partie: l’erreur de la jeune recrue de la NASA (ils sont des centaines à s’auto vérifier) et la bascule dans l’espace temps et rencontre du troisième type perturbent (à mon sens) la cohérence de cette (jolie) histoire.
à la lecture, et relecture, la première partie se suffisait à elle-même, enfin… à moi-même.
L’erreur du jeune stagiaire est tout à fait possible. Je te conseille de regarder cet article (https://fr.wikipedia.org/wiki/Mars_Climate_Orbiter) au paragraphe « Perte de la sonde (23 septembre 1999) ». Là, on parle de la fin du siècle dernier, et entre ingénieurs qualifiés. En connaissant cette histoire, il ne m’a pas semblé improbable que ça ait pu arriver à un débutant dans les années 60.
Pour les extraterrestres… on ne se refait pas :). Mais il est intéressant de couper l’histoire plus tôt, j’avoue. Merci pour ton retour.
J’exprime moi aussi mon avis au sujet de la chute et des extra-terrestres qui vont avec 😉 S’il est vrai que tu aurais tout à fait pu terminer l’histoire sans cela, moi j’aime bien cette idée un peu folle (et même beaucoup) d’une arrivée sur une planète habitée par d’autres que nous. C’est amusant, et ça donne à la fois un grain de folie à l’histoire, et permet de faire une happy end.
Dès la citation, puis dès après avoir découvert que Yuri était un chien, j’ai pensé aux Figures de l’ombre ; Yuri en étant une d’un autre type.
Et j’ai repensé à l’une des dernière répliques du film entre le patron du programme Mercury et Mary Jackson (je n’avais pas tout en tête, je suis allé rechercher) :
-Vous croyez qu’on peut aller sur la lune.
-On y est déjà, Monsieur.
A nous tous donc, d’atteindre la notre
Je ne connaissais pas ce livre/film. Merci pour la découverte !
Il est vrai que cette image que j’aurais attribué à la Baule, ou Cabourg, ce genre, à cause de la tenue de la femme fait très « Long Island », et de fil en aiguille peut jaillir toute fantasmagorie américaine des années 50-60. Mais de là à finir par élaborer une histoire qui nous fait tutoyer le cosmos voire une certaine métaphysique, je n’aurais pas parié un centime a priori. Bref : bravo, vraiment. Comment ça s’est élaboré une histoire pareille ? On aimerait savoir quels fils ont été tirés (j’ai des pistes personnelles plus bas, mais Tom nous dira peut-être).
Pour répondre d’abord à quelques réserves formulées plus haut :
– le fait qu’une erreur de calcul de stagiaire fasse échouer un projet spatial ne me choque absolument pas. Il y a nombre d’exemples d’erreurs humaines stupides et désarmantes qui ont fait échouer des choses aussi importantes et normalement contrôlées dans l’histoire. Par ailleurs, je travaille 1 fois par mois depuis bientôt 12 ans pour une grosse entreprise stratégique et dangereuse (j’assiste à des réunions, j’en fais la synthèse) et je pourrais vous raconter (mais je n’ai pas le droit ou plutôt si je le fais je vais perdre ce boulot) des anecdotes d’erreurs énormes produites ces dernières années en France qui vous laisseraient la mâchoire tombante devant la stupidité simple qui a présidé à leur apparition malgré des dizaines de contrôles… (A ce titre, je vous conseille si vous êtes fascinés par l’échec, et surtout l’échec stupide, de suivre le podcast de Guillaume Erner de France Culture «intitulé « Super fail », il y en a des fascinants).
– Yuri aurait-il pu être accueilli dans un foyer au lieu d’être élevé dans un labo avant son envoi ? C’est plutôt la question que je me suis posée. Et puis, oui, j’accepte d’y croire (et la fiction, dit-on, c’est la « suspension d’incrédulité ») car il y a eu souvent des animaux (des chimpanzés en fait) élevés dans des familles pour des programmes scientifiques d’ampleur.
– Sur le moment de la photographie : je ne m’étais même pas posé la question, car tout m’a paru fluide. Au contraire, en relisant, je me dis que c’est le bon emplacement. Vous savez, c’est ce moment de douceur, d’apaisement dans les histoires, les films, avant le dénouement fatal. Le « climax » de fin de 2 acte, avant le 3e acte de résolution. On est sur l’image apaisée, avant la disparition de Yuri et ce moment est celui central qui préside à l’existence même du texte. Enfin une remarque : la photographie n’est en fait jamais décrite. Vous projetez je pense à la lecture le fait que vous l’avez déjà vue
En fait on comprendra que je défends le texte car j’ai adoré. D’abord épaté que puisse sortir une telle histoire. J’ai cherché les détails accrocheurs : oui, la femme, de visage, pourrait être allemande, oui ce pourrait être Long Island ou une plage de Floride. Alors Allemande aux USA dans les années 50-0> réf: Wernher Von Braun > l’espace > le chien réf : Laïka > la chute du texte vers l’infini et au-delà.
Ah la chute : le culot de finir sur le vaste cosmos, les années lumières qui sont passées, les extraterrestres. Je trouve cela plutôt remarquable. Pourquoi ? Parce que depuis le début on est dans un univers « teinté », « connoté » (la lecture du texte nous fait très bien imaginer des images américaines, en noir et blanc/sépia, des années 60… Ce que nous suggère le texte éveille des images qu’on a vu mille fois dans des archives d’actualités, des films…) et pour ce genre de « tonalité » (je vais essayer d’être clair) on va être mené vers l’imaginaire de l’époque (retranscris par les films, les livres de l’époque, voire une idéologie américaine dans les médias) qui est celui des films de SF, des auteurs dits de « l’âge d’or de la SF » (I. Asimov, F. Brown, enfin : des dizaines)… Or dans celui-ci et selon celui-ci il y a indiscutablement des créatures avec des yeux pédonculés quelque part, très intelligents, que nous rencontrerons ou qui viendront nous voir (la SF actuelle traite ces sujets différemment désormais). Ajoutez cela au vertige que l’on attrape (où est allé Yuri ?) qui est le vertige de l’époque, ce l’immensité inconnue, celui de la new new « dernière frontière », notion américaine (on en retrouve des traces de cette tonalité d’imaginaire dans la façon de filmer presque avec du grain, dans Interstellar, les scènes à la ferme par exemple. Un présent simple, presque frustre, confronté à un vertige futuriste d’un inconnu vertigineux et métaphysique). Bref Tom nous a écrit un texte à la façon de, en hommage à. Et c’est très réussi. Bravo !
Merci Francis pour votre commentaire ! J’ai beaucoup de plaisir à voir que vous avez apprécié (et que vous avez déniché toutes les références 😉 ).
et bien c’est effectivement vrai tout ça, et je suis moi même pourtant bien informée des erreurs humaines qui mènent à des découvertes ou des catastrophes (tchernobil!!!!! arggggg cette petite erreur genre grain de sable qui a fait ce que l’on sait…).
mais j’ai pas réussi malgré tout a basculer dans la seconde partie.
allez donc savoir pourquoi… c’est comme ça.
j’avais comme francis remarqué que le texte pouvait se passer de la photo. et donc admiré comment l’histoire se construisait malfré tout. c’est bien joué! fortiche….
L’erreur est humaine 😉 ! Merci Ketriken !
Juste bluffante cette épopée spatiale. J’ai adoré. Rien à toucher. C’est fou ce qu’une photo peut déclencher en terme d’imaginaire.
Merci Artemise !
Je suis scotchée de voir ce que tu as fait de cette photo. À des années lumière de ce qu’elle peut inspirer à première vue. Comme quoi, il faut toujours oser regarder plus loin. Même si Yuri aurait sûrement préféré rester sur notre planète à se balader avec Hanna. J’aime beaucoup le dernier regard sur la photo, les yeux intelligents. Beau voyage 🙂
Merci Khea !
C’est fou comme une image peut inspirer des choses différentes chez chacun ! Je n’aurais jamais eu cette idée mais je trouve qu’elle fonctionne parfaitement et je me suis évadée dans ton récit. Je ne m’y attendais pas et j’ai été séduite. Merci d’avoir donné vie à cette femme devant laquelle je me suis arrêtée plusieurs fois sans pouvoir imaginer son existence !
Merci, Mistouflonne !