Le bleu… Il nous accompagne tous les jours de notre vie.
Il y en a qui ont décidé de s’y rapprocher tant elle est vivifiante, reposante, leur fait du bien à la tête, dans tout le corps. Certains préféreront son immensité et se positionneront au-dessus, d’autres en-dessous. Il y en a même qui auront besoin de limites végétales, pierrales ou mosaïquales pour y plonger. Quel que soit le temps qu’il fait, elle vous apparaîtra peut-être bleue, bleue turquoise, lagon, ardoise et même vin sombre dixit Homère himself.
Ne dit-on pas que des goûts et des couleurs, on ne discute pas… ?
Pour le goût cela dépend où vous boirez la tasse. Pour ma part mettez m’en une bicarbonatée plutôt qu’une chlorée.
Pour les couleurs, je dirai à chacun sa perception du moment, de l’époque, de l’éclairage et de la région ; à moins que vous ne souffriez de daltonisme tritanomal pour lequel le bleu est surabondant.
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Mais elle, ce qu’elle aime par-dessus tout, c’est s’y baigner. Elle n’a pas envie seulement de la contempler mais d’y plonger. Les embruns apaisent son cœur, les vagues la berce et massent son corps. Mais elle ne s’y jettera pas à n’importe quelle température non plus. Elle l’aime ni trop chaude, type bouillon de culture, ni trop froide, bain polaire qui vient vous rosir les pommettes et vous fait sautiller tout en poussant de légers cris. Par contre pour le léger effet tenseur qui vient resserrer les pores, elle ne dit pas non.
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Il reste un basique indémodable, intemporel et raffiné. Il se fait l’écho des papiers glacés, des boutiques tendance. Il vient vous interpeller quoi que vous achetiez. Vous avez envie de boire, de vous moucher, de faire la poussière, de vous doper … De quelle couleur sont les différents packagings ? Je vous le donne en mille ! BLEU. Et tout est très très bien étudié. Selon le produit utilisé, le bleu sera différent. Soit il sera une couleur calmante et vous inspirera la paix et l’introspection, le bleu du flacon Pliz vous rendra zen et heureux de faire votre ménage, le bleu de l’eau d’Hépar régulera votre transit, soit il vous invitera à l’idéation et l’exaltation avec le modèle Tanga bleu Euphorie de chez Orcanta.
La couleur bleue peut s’immiscer très tôt dans votre vie. A peine nés, certains nourrissons seront traités par photothérapie qui émet une lumière bleue pour traiter la jaunisse du nourrisson. Tiens, une couleur qui traite une autre couleur !
Mais vous, je vous vois venir depuis le début, vous êtes une femme, vous avez envie de renouveau, de bien-être. Cela fait deux mois que votre mari remarque une pile bien rangée sur la table du salon, pile qui ne fait que s’élever avec des petits nouveaux alors que jusqu’à présent seul le catalogue IKEA trônait, esseulé, certaines pages marquées en haut à droite d’un petit rabat. Votre mari n’a pas tout compris, mais oui, dites-le, dites-lui : vous avez une énooooooooooorme envie de BLEU ! Pas celui d’Auvergne, non celui qui vous fait voyager plus loin dans les documentaires de voyage à travers le bleu marocain, grec, provençal alors si le conseiller en vente vous présente en plus un bleu de Prusse, un bleu d’Egypte, un bleu de Samarcande, un bleu canard, un bleu givré… Donnez-moi du blanc ! Il y a moins de nuances dans le blanc, non ? Dans les blancs je peux vous proposer du blanc de Meudon, du blanc lunaire, du blanc écru …
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Elle en a décoré sa maison, ses murs, son canapé, elle aime les tissus qui en contiennent. Elle aime aussi le porter, que ce soit en accessoires, en vêtements, en sacs. Il reste une couleur dominante de sa penderie. Qu’il soit foncé ou turquoise, discret ou flashy il fait partie de sa vie. Elle ne peut concevoir de vivre sans. Elle aime flâner en bleu de jeans, le porter pour faire du cheval le week-end, lumière rasante sur la mer bleu foncé, créant ainsi une forme de clair-obscur donnant un effet très cinéma où elle se surprend à rêvasser montant à cru en robe de déesse grecque écrue à la rencontre de l’homme aimé. Aurait-elle besoin parfois de lâcher ?
Elle aime aussi le bleu dans l’art, le bleu des dessins ou peintures d’oiseaux, le bleu des fleurs, le bleu de l’architecture, le bleu du jardin Majorelle à Marrakech où elle aimerait tant retourner. Son amour de mari quant à lui travaille avec la grande bleue et son fiston apprend à s’y sentir bien. Elle aime partager en photos avec ses amis, sur un réseau social bien connu dont la page d’ouverture de session est, vous l’avez deviné, bleue, ses escapades ou voyages en région proche ou pays lointain. Elle ne peut dans sa vie personnelle que nager dans le bleu.
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Mais ça n’est pas fini, le bleu fait aussi partie de son quotidien professionnel :
Bleu gendarme ?
Bleu dentiste ?
Bleu policier ou chirurgien ?
Que nenni ! Rien de tout ça, son bleu à elle prend une toute autre forme, celle d’un logo, d’un jingle, d’un casque, d’un micro… puisqu’elle travaille chez France Bleu.
N.B : Pour la petite histoire, AZUR 100, radio locale d’alors lui a ouvert les bras afin qu’elle puisse y faire ses premiers pas. Quand je vous dis qu’elle voit la vie en bleu, ça ne s’invente pas…
« Le bleu, tous les jours de notre vie » (le titre est de moi, tiré de la première phrase d’Emije).
C’est l’autre texte pointilliste tel celui de Lulu où le bleu est affirmé comme sujet. Emije s’est ici enivrée de bleu comme on pourrait le faire de menthe glaciale. C’est le texte d’une prise de conscience ( ?) tout du moins d’un constat de l’omniprésence du bleu dans l’existence, dans notre quotidien. Soudain des récurrences, des hasards, des coïncidences… qui n‘étaient auparavant certes pas des évidences. Tout sort tout ce bleu ? On notera toutefois que chez Emije, le bleu n’est pas blues. Il sort de cet inventaire teinté comme une sérénité de l’existence. Somme toute, tout est coordonné. C’est le constat, finalement, que la vie ne serait peut-être qu’un doux camaïeu. Pourquoi pas ? Et d’ailleurs, j’invente rien : la fin du texte le dit elle-même.
Concernant des préoccupations, davantage d’écriture : je n’ai pas grand chose à en dire, car on est sur un registre très particulier. Je vais donc rester pastel et simplement vous montrer mon nuancier : nous sommes là dans de l’évocation, une certaine prose poétique qui vise à dépeindre des images en établissant la vision d’une cohérence immuable du monde. Les Chinois ont jadis beaucoup pratiqué ce genre littéraire (nommé le sǎnwén, porté en général sur l’évocation de la nature, mais pas seulement) qui sans être cette poésie, comme on la connait et la pratique chez nous, consiste à partager de l’harmonie tranquille. On appellerait ça ici de la variation sur un thème ou de la digression en improvisant au clavier. Nous ne sommes pas dans de l’histoire construite ; foin du récit (qui semble ici s’esquisser, et finalement non), de la chute, des rebondissements, du héros avec cape et collants : c’est une forme d’écriture qui oscille entre la spontanée et l’intime, ouverte. Un camaïeu de bleu, vous dis-je.
Merci Francis pour ton retour et commentaire. J’ai été surprise par l’évocation de ce genre littéraire en lien avec mon écrit. Genre que je ne connaissais pas évidemment, qui m’a fait sourire et dont je me suis empressée d’aller tapoter ses lettres sur le clavier pour en apprendre un peu plus sur lui. J’ai effectivement pris le parti (sans le vouloir vraiment au départ) d’être plus dans le ressenti de la couleur bleue en lien avec le quotidien, des tranches de vie, une femme …… Dans quelques jours je déjeunerai avec cette femme et le lui montrerai …… Merci pour ce moment de bonheur qui est venu, somme toute, me dérouter.
Je t’en prie. Je viens du coup de regarder aussi ce qu’on trouve, du coup. Tu as dû donc tomber sur cette définition, écrite à propos d’un livre, et qui est très bonne : « Il est d’usage, dans le monde chinois, d’écrire de petites choses, des textes à la croisée des genres, où la liberté semble vouloir imposer l’étoile de ses limites : souvenirs, récits de voyages, d’initiation, ou encore simples impressions… Mais on trouve aussi, au détour de cette prose, l’histoire simplement cruelle des drames quotidiens. La mort y rôde dans son flamboiement un peu baroque, et la vie y traîne ses désirs de revanche. Le sanwen, c’est ainsi que l’on nomme cette écriture, se veut un simple reflet, familier autant que faire se peut, de nos voix intérieures. » Il se passe que par des hasards de l’existence je suis allé en Chine et à Hong Kong il y a très longtemps (en 1998 et 2000, si je me souviens bien) pour des questions de littérature, pour travailler à ce propos, participer à un colloque, écrire des portraits d’auteurs (alors que je ne parle pas un mot de chinois !), et j’ai découvert à cette occasion les aspects de leur littérature.
J’ai beaucoup aimé ton texte Emije (mais je suis en retard, je l’ai lu seulement aujourd’hui et n’ai pas encore lu les suivants!). Ton style est dynamique, on rentre facilement dans ton histoire et on ne décroche pas. Je n’avais jamais conscientisé je crois cette surreprésentation de bleu dans notre vie quotidienne et je trouve ça chouette les textes qui nous font regarder un peu différemment la vie le lendemain 😉
C’est vrai qu’il ne nous lâche pas ce bleu que tu nous peins. Quand on y pense, ça donne le tournis jusqu’à s’enivrer à la menthe glacial (tout juste Francis!)
En tout cas, dans ce tournis à 360°, tu nous offres un magistral panorama de bleus en tout genre.
Merci Francis pour ton éclairage sur le sanwèn, j’ai encore des choses à apprendre sur la Chine, je m’y plonge de ce pas!
Merci Ariane et Melle 47 pour vos commentaires, même si au final il n’y a pas vraiment d’histoire construite comme le dit si bien Francis. Du bleu comme s’il en pleuvait !!!
Vous saurez tout sur le bleu de l’auteure ! Le style est élégant, poétique et même parfois audacieux. … le bleu du flacon Pliz. le texte nous emmène dans de belles images postérisées. Peut être un peu trop sage pour moi.