Je serai contente quand tu seras mort !
Tu m’obsèdes, m’empêches de dormir la nuit, m’enlèves toute mon énergie et même mon appétit ! Avec toi à mes côtés, j’ai l’impression de redevenir une gamine de quatre ans, effrayée par un monstre caché dans son placard…
Les premières fois, je me suis fait avoir mais maintenant, je te vois arriver de loin ! Qu’est-ce que tu crois ? J’ai acquis de l’expérience, depuis le temps ! Je te sens approcher et mon sang se glace. Parfois, tu changes de style vestimentaire ; certaines fois, tu portes un masque et d’autres fois encore, tu vas jusqu’à changer de nom… Et dire que tu crois pouvoir me berner… Je te reconnaitrai toujours !
Oui, je serai contente quand tu seras mort.
Le pire, c’est que tu es fourbe… Un soir, je te crois disparu et le lendemain, te revoilà, sur le seuil de ma porte, au coin d’une rue ou derrière un livre, à l’endroit où je m’y attends le moins. Tu es là, décontracté, sûr de toi, avec l’air hautain de celui qui sait tout. Tu me regardes avec un petit sourire et tu oses même le clin d’œil : « C’est moi ! Tu ne croyais quand même pas que je t’avais oubliée ? »
Je serai contente quand tu seras mort, saleté !
Je pourrais réagir, partir en courant, te balayer d’un revers de la main… mais non ! Je reste comme paralysée, prostrée, incapable de me défendre. C’est idiot, n’est-ce pas ? Je reste là et je t’écoute, même prête à te prendre en pitié. Tu peux y croire, à ça ?
J’ai commencé des séances, pour apprendre à me défendre, pour comprendre mes réflexes, savoir comment réagir, m’améliorer… Pour apprendre à gérer mon corps et tout ce qui va avec. Mais je sais que personne ne peut m’aider. Pourtant, j’aimerais tellement que l’on me guide, que l’on me dise quoi faire, que l’on me dicte comment réagir : « Une droite, vise la tête ! » « Mets-y plus de convictions, frappe le cœur, le cœur ! »
J’ai hâte que tu meures, saleté !
Je comprends les gens qui s’engagent dans l’armée pour ne plus t’(a)voir. J’ai hâte que tu disparaisses de ma vie, que je puisse de nouveau avancer. Quoiqu’il advienne, je serai mieux sans toi. Je n’en peux plus de penser à toi, d’envisager toutes les options et de ne trouver aucune réponse. Je ne peux pas renoncer, ce n’est pas possible. Et avec toi, il faut forcément renoncer.
Je suis perdue… J’aimerais donner mon cerveau, mon cœur et mes tripes à la meilleure équipe médicale et leur dire : « Débrouillez-vous ! Faites ce que vous voulez et réveillez-moi quand ce sera terminé, vous serez gentils. »
Je te l’ai déjà dit que je serai contente quand tu seras mort ?
Il parait que « La peur d’un nom ne fait qu’accroître la peur de la chose elle-même ». Alors, aujourd’hui, c’est décidé, je vais l’écrire haut et fort, te nommer en toutes lettres, avec tes lettres de pacotille. Tes cinq lettres qui paraissent anodines, comme une main innocente. Car oui, tu te caches même derrière ton nom, te faisant passer pour un petit être inoffensif. Trouillard ! Tu pensais que je ne le ferai jamais, hein ? Figure-toi que si ! Je n’attendrai plus demain, aujourd’hui je te le dis en face, sans détourner le regard : j’ai pris une décision. Je prends mon courage à deux mains car ça vaut le coup… car je rage aussi. Je te nomme, en toutes lettres.
Ensuite, je pense que je déménagerai, je partirai à l’étranger. Je n’ai plus le choix, je fuis… Tu crois que je suis trouillarde, aussi ?
Je serai contente quand tu seras mort ! Mais quand vas-tu mourir ?
Je ne connais pas ton espérance de vie moyenne mais je suis sure que tu es un coriace, toi…
Pendant longtemps, je t’ai laissé faire, je n’ai rien dit. Je me suis tue, je n’arrivais même pas à mettre un nom sur ton visage. Ça me tue, quand j’y repense. Mais ce temps est révolu : d’abord un C comme une main aux doigts griffus, un piège qui se renferme. Ensuite, un H, une hache, pour le côté psychopathe et effrayant. Le O, c’est la boucle qui ne se termine jamais, les questions qui tournent en boucle. I pour me rappeler ce que j’aimerais être : droite comme un I, sage comme une image. Et parce que tu ne fais rien comme tout le monde, il a fallu que tu mettes un X à la fin, juste pour faire l’intéressant !
Oui, c’est sûr, je veux que tu disparaisses de ma vie, une bonne fois pour toutes, saleté de CHOIX !
Ce soir, c’est décidé, je déménage. Je m’installe en Corée du Nord. On me dira quoi faire, comment m’habiller, à quoi penser… et à quoi ne pas penser. Et je me débarrasserai de toi une bonne fois pour toutes, saleté de Choix !
par Ariane
Bonjour à tous !
Après 10 ans sans prendre la plume, je me lance dans une nouvelle aventure !
Voilà une nouvelle à chute, on subodore assez rapidement que l’objet « honni » n’est pas un personnage. C’est une nouvelle qui joue avec l’ambiguité, laissant le lecteur dans l’ignorance de ce dont on parle, tout en laissant assez vite transparaître qu’elle jongle avec ce flou. Ni l’auteur ni le lecteur ne sont dupes, et pour autant on ne devine pas totalement de quoi il s’agit avant d’y être rendu. C’est donc bien mené, le « suspense » tient la distance. Personnellement, J’aime tout particulièrement le « je m’installe en corée du nord ». Phrase très bien trouvée d’humour noir, décalée, tout à fait intéressante à mon sens dans la chute de ce texte.
Pistes de travail possible :
Dans la mesure ou « je serais contente quand tu seras mort » est utilisé comme un leitmotiv, il me semblerait intéressant, à un moment, de développer le « fantasme » de ce que ça libérerait. De ce que ce personnage aimerait faire/être, quand le choix sera mort.
Il est possible de continuer chaque « je serais contente quand tu seras mort » par un petit développement, en exprimant petit à petit tout ce qu’elle voudrait pouvoir faire sans être limitée par ce choix.
Ceci préparerait d’autant mieux la chute où finalement, elle n’exprime plus cette absence de choix comme une liberté agrandie, mais comme une restriction de liberté (façon dictature). Et ça renforcerait donc l’effet de chute.
Merci pour ton retour Gaëlle ! Je n’en suis pas surprise mais j’aime ton regard, je trouve tes analyses très pertinentes.
Je vais essayer de me pencher un peu sur les pistes que tu m’as données pendant les vacances… Je pourrais t’embêter en te le renvoyant par mail ? ça donne une motivation supplémentaire pour s’y mettre (mais ne te sens pas obligée de me faire un re-retour, ce sera aussi tes vacances)!
Oui, tu peux! Et vive les vacances alors (ce texte est chouette, ça vaut effectivement le coup que tu te penches dessus un peu plus!)
Est-il prévu que nous aussi, éventuellement, on ait un retour des textes retravaillés ? Je suis une vilaine curieuse, j’aimerais bien savoir comment Ariane aura repris ce texte là… Mais bon, je suis bien consciente que toutes les choses ont une fin ! Sinon, tant pis !
Avec plaisir pour le partager Sécotine, je pourrais même (si tu le souhaites) te l’envoyer directement (si ce n’est pas possible sur le site). D’ailleurs, toi aussi tu vas le reprendre (en pouvant t’affranchir de la règle des 4500 caractères ;-)?)
Merci pour vos encouragements en tout cas, je vous rejoins : ça fait du bien de s’envoyer des roses (même si, effectivement Gaëlle, vu la saison, ça devrait plutôt sentir le sapin!)
Et au fait, où est-ce qu’on fait les retours sur ce premier atelier Gaëlle? Parce que je valide à tous les niveaux!
Les textes de l’atelier resteront consultables, même si l’atelier/les commentaires sont clos. Alors si Ariane le souhaite/est d’accord avec l’idée, je peux poster son texte ici lorsque la « version 2 » sera finie. Mais peut-être est-ce frustrant de poster un texte qui ne pourra plus être commenté? A réfléchir! Sinon, effectivement, les échanges mails peuvent être de bons relais!
Merci Ariane pour l’enthousiasme. Si tu le veux, tu peux m’envoyer un petit mail avec ton avis sur l’atelier, façon « livre d’or », nous ferons une petite rubrique sur le site bientôt!