La proposition pour l’atelier 1 d’avril s’appuyait sur l’oxymore, en tant qu’ambiance, personnage, situation (ci-dessus un clown triste au moral sans doute clair obscur car une adorable peste lui fait connaître de douces tortures dans son foyer glacial -par exemple). J’attendais beaucoup de cette proposition d’écriture que je n’avais encore jamais vue être pratiquée en atelier d’écriture (même si ici les propositions d’écriture essaient en général de sortir des sentiers battus -(hop un auto compliment en passant 🙂 … À vrai dire je n’ai pas été déçu, mais, bien au contraire, comblé ! (Il faut dire qu’il y a de sacrées plumes qui s’envolent ici).
Voici un bilan sur cet atelier qui a compté six participantes, suivi de quelques explications qui me semble importantes.
Voici ce qu’on relève dans les textes produits :
– Une présence majoritaire du couple comme oxymore (ou comme oxymores++ – association de deux oxymores? :-). Constat posé également par Khéa qui m’écrivait : « le thème des oxymores a amené des similitudes sur fond de famille, couple, distance, rupture… Le couple serait-il un oxymore … 🤔 ».
À cela, sans doute, une explication : les participants de cet atelier était toutes des participantes, et donc portées plus naturellement sur les relations, les liens, et l’interrogation des situations interpersonnelles. Les femmes cherchent davantage à comprendre que les hommes, et je ne crois pas tomber dans les clichés sexistes avec le coup des femmes Vénus et des hommes Mars – mais il faut bien reconnaître que c’est une constante, et qu’il existe tout de même sur ce point une écriture féminine. Les femmes sont aussi davantage gardiennes de l’histoire ou des histoires, de la mémoire, et soucieuses de la pérennité du ou des liens. Or l’oxymore : c’est un entre-deux à appréhender, une situation indéfinissable et sans doute « malaisante », une quête aussi de compréhension de l’autre dans ses contradictions, ses oppositions. Il me paraît somme toute logique que ce thème ait appelé chez les participantes l’interrogation des relations. Il aurait été intéressant de savoir comment des hommes auraient traité l’oxymore.
– Des personnages oxymores (en sus de ceux en filigrane dans les histoires de couples). Et je songe notamment au texte d’Emije qui a osé s’attaquer à cet art difficile et délicat du portrait de femme « entre-deux ». Une vie toujours « entre deux » oppositions : de situations, de types de personnes, de sortes de vie, de façons de mener son existence (Mais on en reparlera entre participants dans les commentaires).
– Et enfin les situations opposées. L’oxymore est loin… et en fait pas tant que cela -on le sent en « terreau » (c’est le texte de Mélanie : les pauvres heureux face au riche malheureux) Il y a opposition entre les deux parties, elles-mêmes dans une situation contradictoire (contradictoire à la logique). Là, si c’est l’idée d’oxymore, le principe d’opposition qui favorise la créativité, – et voici qui est bougrement intéressant : j’y reviens plus bas.
Deux participantes sur les 6 (qui ont pourtant produit de remarquables textes !) se sont dites en un premier temps insatisfaites de leurs créations, et d’autres on déclaré en avoir un peu bavé. Ces aveux m’ont fait frémir : est-ce que je n’imposerais pas ici des thèmes trop difficiles ? Le but de l’atelier est absolument contraire à l’idée de souffrance ou de frustration dans l’écriture. C’est pourquoi, je ressens le besoin de dire cette fois ici comment j’aurais abordé pour ma part cette proposition qui me semblait être facilitatrice, car elle permet de s’imposer des contraintes libératrices.
J’aurais simplement procédé, pour écrire une fiction, comme pour le clown ci-dessus : j’aurais combiné des cartes (il existe je crois un jeu de société qui est proche de ce principe, mais je ne me souviens plus du nom). En prenant :
– Un personnage contradictoire (sachant que plus le méchant est méchant, plus il est réussi… s’il a une grosse faiblesse inattendue. La contradiction au moins, la complexité au plus, chez un personnage sont l’assurance qu’il sera attachant et paraîtra d’autant plus réaliste).
Mettons, en inversant des clichés : un jeune vieillard, soit au sens métaphorique (un jeune qui se comporte comme un vieux), soit au sens propre (il est au début de la vieillesse > ce qui est aussi un état d’entre-deux). Mais cela pourrait être plus basiquement en prenant des spécificités opposées un flic malhonnête, une prostituée pudique, un poète brutal, un soignant maltraitant …
– Un lieu d’entre deux, ou d’opposition, ou une ambiance contrariée, indéfinie dans un état plutôt que l’autre. Mettons un refuge dangereux, un hôpital tourmenteur, des décombres rassurants… à l’aube, au crépuscule, lors d’un été glacial ou un hiver caniculaire, dans une fête déprimante ou un joyeux enterrement.
– Un état ou une situation ambigus, inaboutis, en échec, une psychologie torturée : une fortune destructrice, un bonheur indésiré, un malheur salvateur, une gloire détestable… Une répulsion fascinante, une passion triste, un plaisir de l’échec…
Et fort de ces cartes posées, j’aurais regardé comment monter un récit… Allons-y à la louche : mon flic malhonnête, blessé lors d’une embrouille qu’il a voulu faire à des malfrats pétris de principes se retrouve dans un hôpital tourmenteur, et son état s’aggrave. Mais ce malheur lui sera salvateur : y connaissant une passion triste -car il va éprouver autant de répulsion que de fascination- pour une prostituée pudique, il va apprendre à devenir meilleur, et changer, comprenant que ce qu’il vit est une transition, qu’il est à l’aube d’une nouvelle vie…
Certes, c’est de la grosse combine, mais les scénaristes ne font rien d’autres que de battre des jeux de cartes ou de caractères (certains se servant même des typologies supposées des signes zodiacaux attribuées à leur personnages afin de les caractériser). C’est l’organisation de ces cartes du jeu qui structure le récit selon un schéma classique du personnage en quête ou devant résoudre un problème, qui change (ou meurt) à la fin…
Francis
Photo : PuzzleMonkey! – Visual Hunt / CC BY-NC-SA
Coucou,
Allez, je me lance, laisser un commentaire sur un commentaire… j’ose…
Je suis bien d’accord avec toi Francis, nous les femmes y sommes allées avec nos tripes et nos sentiments et ça donne de beaux textes, tu as bien raison.
Je suis d’accord (encore!), les hommes sont plus terre à terre. Oui, j’ai beau chercher autour de moi, je n’en vois pas trop qui aient l’esprit aussi analytique que nous dans la recherche du « pourquoi, mais pourquoi donc? ». Je sais, je sais, il en existe surement… N’empêche! … Du coup, « ils » sont capables d’analyser le sujet comme tu le fais si bien, même à la louche, pour en sortir quelque chose de très différent. C’est en cela que je me disais « insatisfaite » de mon texte. J’aimerai pouvoir de temps à autre sortir de cet esprit qui coupe en quatre systématiquement pour écrire quelque chose de différent. Cela finira bien par venir!
En attendant, ne change rien à tes sujets, ils sont très bien… je trouve
Merci ! (encore) 🙂
Merci ! 🙂
Surtout ne changez pas !
Les oxymores ont donné un peu de fil à tordre, fait arracher quelques cheveux (qui ne seront donc plus à couper en quatre mlle 47, parfait votre commentaire ; je suis la 2ème insatisfaite) mais très bon thème, merci …d’ailleurs quelle frustration de ne faire tous les thèmes