Pour cette proposition d’écriture, je vais vous révéler un de mes vices : au lieu d’utiliser mon (rare) temps libre à me plonger dans la littérature, que je ne lis plus assez à mon goût, je m’adonne à des jeux de lettres sur mon smartphone. J’ai ainsi, entre autres nombreux jeux dérivés, 4 applications de type Scrabble, et des dizaines d’adversaires inconnus à travers le monde. Il se passe que régulièrement pépette78 ou GrosDenis, Kevin S. ou Christine La Fouine viennent prendre leur raclée ou m’en mettre une.
Or, récemment, je suis tombé sur une application de jeux de mots qui m’a fasciné et bien amusé : Sticky Terms. Elle est différente de toutes puisqu’il s’agit de reconstituer des mots inconnus dans des dizaines de langues différentes, des mots-puzzles — majoritairement des mots dit « intraduisibles »… De ceux qui donnent des cauchemars aux traducteurs.
Exemple de captures d’écran du jeu, ceci… :
… est en fait cela :
(Les tournois de transports de femme existent. Ça doit être un relent Viking (quoique chez les Vikings, c’étaient les femmes qui commandaient) ou de je ne sais quelle tribu sans doute un peu rustre (mais chaleureuse, forcément) du Nord… > On en verra un ici. Mais bref…)
Ou alors :
Donne cela :
Le jeu Sticky Terms (« sticky » car il faut recoller les morceaux, donc) comprend pas moins de 250 termes (il y en a quelques-uns en Français, et on en apprend, tel « Baisure » qui est « l’endroit où deux pains se touchent pendant la cuisson ») insolites, curieux, inattendus ou amusants. Ce qui est fascinant dans Sticky Terms sont les mots les plus intraduisibles qui n’ont absolument aucun équivalent chez nous, mais qui décrivent des notions, concepts, faits que nous connaissons bien, qui s’attachent parfois à des choses extrêmement et étonnamment précises, et souvent drôles, émouvantes, sensuelles, (ou esthétiques et philosophiques même chez les Japonais). Des choses que chacun(e) d’entre nous partageons, mais qu’ici on ne nomme pas, ou au pire par une périphrase. Par exemple, en espagnol, le terme « Grima » signifie : « le frisson que vous éprouvez à l’idée de gratter un tableau noir avec vos ongles ». Les catégories dans lesquelles sont classés les 250 termes sont les suivantes (et après j’en viens à la proposition d’écriture, promis) :
Il m’est apparu que de nombreux termes (autres que ceux désignant des spécialités culinaires étranges par exemple) qui sont des métaphores propres à une culture, une langue, un mode de pensée et parfois un type d’humour ; que ces « mots intraduisibles », donc, sont en fait riches de situations implicites, révèlent des personnages, des traits de personnalités ; évoquent des actions, des situations, ou partagent des sentiments, du vécu… Autant de notions qui peuvent donc faire l’objet d’une contrainte, ou plutôt d’un point d’appui pour bâtir une fiction. Par exemple si je vous dis : « Anorak » (Grande Bretagne), il s’agit de « quelqu’un qui s’intéresse beaucoup à un sujet inintéressant ». J’ai là, déjà, un personnage, une situation à raconter, une mise en scène à faire en m’inspirant du dernier fâcheux du genre que j’ai rencontré. Un anorak est de toute façon déjà un archétype. Si je vous dis « Aiaigasa » (Japonais : « partager un parapluie ») c’est déjà une ambiance une situation : des amoureux qui courent sur les Champs-Élysées sous des hallebardes, cela peut-être une bluette affreusement kitsch, une balade en bord de mer à un moment clé de l’existence, une cérémonie de funérailles sur une îlot écossais… que sais-je.
Je me suis empressé de finir le jeu (250 puzzles !) pour vous donner l’accès à tous les termes (et vous prendrez sans doute plaisir à les découvrir ci-dessous. Il y en a de drôles, vraiment !). Tous ne peuvent évidemment pas être la base pour l’écriture d’une nouvelle… Alors je vous recommande simplement d’en choisir un dans la liste… Et d’en faire votre base d’écriture pour une nouvelle (que vous êtes nullement obligée de localiser dans son pays d’origine —à moins que vous ne le désiriez)… (et nous vous direz dans un coin de votre fichier ou de votre texte quel mot vous avez retenu). Peut-être même, allez savoir, que votre nouvelle deviendra chez vous une Goya (voir ce mot 😉 ) :
Illustration : suivant votre appareil, si vous ne voyez pas une vidéo de « Komorebi » (Japon : « les rayons de soleil qui brillent à travers les feuilles »), alors vous voyez une photo prise dans une rue de Bangkok il y a 2 ans, présentant une « salade de câbles » que les Allemands appellent donc « Kabelsalat ».
Hey… Bonjour Francis… Petite question… Je sais, ça n’est pas moi qui suis normalement la poil à gratter du groupe, mais tout d’même… Et je suis bien obligée de penser un peu à notre nouvelle venue ( bienvenue Moly :)… N’y a t’il aucune exception à cette loooongue liste? Tu sais, un genre : voilà la règle… SAUF…
Dis-nous, Francis… Qu’en est-il de KEKAU?
Tu aurais préféré que je donne une liste plus courte ? C’est cela ? Ou une liste de termes exclus ? (J’ai tout mis car cette liste complète, me suis-je dit, est amusante à lire). Je ne comprends pas bien la question… (désolé).
Kekau : euh, je ne comprends pas la question non plus. Tu veux savoir si on peut l’utiliser ? Oui… Cela peut donner un texte fantastique (auquel cas je vais vous raconter mon rêve d’avant-hier, quand je poussais le fauteuil roulant de Trump en plein champs boueux). Dis-moi.
Désolée… non la liste est juste parfaite… je faisais plutôt allusion aux chutes en forme de sortie de rêve…
Ah pardon… Je n’avais carrément pas fait le lien. Et tu as raison : interdiction de se réveiller en se disant « ce n’était qu’un rêve »… Ah non, hein, ho, hein, ho, ho, c’est une maison sérieuse ici 🙂
Nouveaux mots :
Tsundoku 積ん読
Expression japonaise qui décrit la manie d’acheter et d’accumuler compulsivement des livres intéressants, mais sans jamais les lire.
✂️ Age-otori 上げ劣り
Expression japonaise désignant le sentiment d’être moins beau après être allé chez le coiffeur qu’en y entrant.
Shōkakkō 小確幸
Ce wasei-kango (mot japonais construit à base de morphèmes chinois) est né en 1986 sous la plume du célèbre écrivain Haruki Murakami. Il désigne les petits bonheurs de la vie, les joies minuscules du quotidien : manger une miche de pain encore chaude, se glisser dans des draps propres, contempler une pile de vêtements enfin repassés, ouvrir la lettre d’un ami ou laisser son chat se glisser avec vous sous la couette.