Figurez-vous que mon opticien mutualiste est situé dans le mythique passage Pommeraye à Nantes. Ce vieux passage commercial du 19e siècle, qui a été restauré il y a quelques années, a été rendu fameux par « Lola » un film assommant de l’impayable Jacques Demy (accessoirement ex-époux d’Agnès Varda ; laquelle vient de nous quitter) avec Anouk Aimé qui y subit une coiffure faite de plâtre et filasse (semble-t-il) en tout cas comme moulée ou sculptée par un maître staffeur ornemaniste.
À noter que, si j’en crois les images (*) de la scène célèbre dans le Passage (> ici en intégralité) avant qu’il ne s’y trouve un opticien mutualiste, c’était en 1961 une boutique de caleçons — et c’est donc tant mieux que cela ait changé depuis : je n’y verrais sinon vraiment plus grand chose aujourd’hui. Mais passons… (**)
En sortant du passage voilatypa que je trouve sur le sol une boucle d’oreille. Or il se passe que je collectionne depuis plus de vingt ans ; enfin : les boucles d’oreilles trouvées à terre (j’en ai peu : le sujet, très spécifique n’est pas si courant). Cette boucle d’oreille, la voici :
2- Il n’y avait alentour de femme susceptible de l’avoir portée (On ne sait donc pas à qui elle était),
3- On ignore dans quelles circonstances, pourquoi, comment, elle a été perdue,
4- On ne peut savoir quand elle a été perdue (10 secondes ou dix heures ? Pas plus en tout cas…).
En l’occurrence une seule certitude : elle n’était pas portée par Lola/Anouk qui n’en porte pas sous sa moulure de cheveux en plâtre (j’ai bien regardé la scène) et, enfin, depuis 60 ans que le film a été tourné, elle aurait été trouvée plus tôt par autre que moi.
On crée des romans ou des films avec moins que ça.
Voici le reste de ma maigre collection avec les indications de mémoire (je pensais avoir bien plus de boucles, mais comme cela fait de nombreuses années et un déménagement que je n’avais pas rajouté de nouvelle pièce, je pense que j’ai perdu une boîte qui en contenait quatre ou cinq autres supplémentaires — résolues donc à n’être qu’à jamais perdues) :
Il y a plusieurs années, en tant que type qui vénère les femmes (et encore plus les femmes à boucles et à bracelets en abondance qui tintent), j’avais envisagé d’écrire un recueil de nouvelles (des portraits/histoires de femmes) inspiré de ces boucles (pourtant pas très jolies !) d’inconnues, mais pour cela j’attendais d’en dénicher d’autres. Toutefois, les années passant, les trouvailles étant rares, et tous mes projets littéraires étant abandonnés par manque de temps, je sais que je n’écrirai jamais ces histoires… En revanche, vous, pouvez le faire ! Il s’agit donc dans les fictions ou portraits de femmes de répondre aux questions précédemment posées (pas forcément toutes, hein) ; du moins pas d’y répondre point par point, mais de faire écho aux questions qui jaillissent au travers de leur existence (On est pour autant pas obligé de bâtir une histoire aussi complexe que celle-ci) :
Je vous propose donc de choisir une de ces boucles de cette modeste collection et de vous baser sur elle pour bâtir votre histoire de femme. OU ALORS de choisir une autre boucle d’oreille. Par exemple une boucle qui est orpheline chez vous ; que vous avez trouvée ; que vous voyez sur une photo, dont vous connaissez l’existence… Ou une boucle que vous regrettez, dont vous vous souvenez, grâce à laquelle ou sans laquelle plus rien n’a été ou ne sera jamais pareil… Ou une boucle que vous avez perdue, une boucle que vous avez volée, achetée, donnée (puis qui a été perdue)…
Bref, une boucle… et à vous de m’en faire une nouvelle (si c’est une boucle d’oreille qui n’est pas parmi celles-ci présentées ci-dessus et si vous la possédez, vous nous enverrez la photo?). Bref une histoire qui explique pourquoi la boucle est orpheline/perdue car forcément il s’est passé quelque chose de beau/ ou de grave/ ou de vertigineux/ ou de romanesque/ ou de dramatique / ou de drôle / ou de mémorable / ou de signifiant, etc. lorsque la belle a perdu sa boucle ; boucle que, bien sûr, vous nous décrivez en deux mots (ou plus), en bons archéologues du contemporain que vous voici devenus !
(*) quand on connaît le passage on s’aperçoit qu’il y a un bout de scène filmé en haut de l’escalier, un autre en bas, un autre sur les côtés, etc. et c’est en vrac Il serait très drôle de reconstituer l’itinéraire présumé du personnage dans le passage.
(**) Deux choses : 1- ne pas avoir vu « Lola » (avec l’aire d’un opticien mutualiste ou non) n’est vraiment, mais alors vraiment, pas grave. 2- Critiquer « Lola » devant des Nantais (par exemple dire violemment que ce film comme ceux de Demy est peut-être tout simplement un navet) peut vous mener à être retrouvé après deux mois de dérive garni de bulots flottant dans l’estuaire à l’approche de Saint-Nazaire
Si vous ne voyez pas la vidéo tout en haut, c’est que vous voyez la photographie de Haust – CC – Unsplash
Autre photo (boucle avec plumes) : Anthony Tran – CC- Unsplash