Voici, ci-dessous, la proposition d’écriture pour décembre. Seules les personnes inscrites à cet atelier pourront y participer, et accéder aux textes, échanges et commentaires. Si vous voulez discuter de cette proposition, échanger, etc nous pouvons nous retrouver sur la page Facebook de l’atelier. A bientôt ! Francis
Bonjour,
Voici donc, après le passage de relais avec Gaëlle, mon premier atelier qui comme je vous l’ai précisé, se déroulera selon les mêmes modes et avec un semblable esprit à celui que vous avez peut-être déjà connu ici. Voici donc l’heure de la proposition d’écriture pour l’atelier de décembre (tadaaaam !), et je m’en réjouis (avec stress : mes propositions seront-elles inspirantes ? Brrr). Voici donc le grand moment.
Décembre, les fêtes, les cadeaux, les lumières, mais aussi les repas de famille… en un premier temps j’ai tourné autour de cette idée pour aboutir à une proposition qui était riche de potentiels car je l’avais décalée, mais qui ne me satisfaisait pas totalement, car je trouvais cela, tout de même en me raccrochant aux fêtes, un peu attendu, un peu « tarte à la crême », — et la crême, c’est bourratif en fin de réveillon. Aussi, j’ai fini par l’écarter sur le bord de l’assiette (mais je replacerai ce thème en question plus tard, hors trève des confiseurs) car l’ancien journaliste en moi a pris conscience d’une évidence, liée à l’actualité.
Il ne vous a pas échappé en effet que depuis plus de deux mois la « parole des femmes s’est libérée », à la suite de la centaine de plaintes déposées à l’encontre d’un prédateur sexuel d’Hollywood. Elle s’est libérée d’une façon extraordinaire, dans tous les milieux, et sur la planète entière. Les têtes, nombreuses, tombent. Gageons que plus ne sera désormais pareil. La parole s’est incroyablement libérée car chaque femme a hélas quelque chose à confier ou à exprimer sur ce terrible sujet. De la même façon, les débats sur l’écriture inclusive dans ce pays participent parallèlement aux questions de domination masculine, qui avaient été en outre étudiées par l’anthropologue François Héritier, récemment défunte. Enfin, des mesures viennent d’être enfin prises pour lutter davantage contre les violences faites aux femmes. Oui, plus rien ne sera pareil, et c’est tant mieux. Ce ne sera certes pas gagné pour tout de suite, mais ça bouge sacrément.
Il m’est alors apparu que nous étions dans une période –au-delà de celle de la libération de la parole et des mesures qui en découlent, au delà de cette conjonction étonnante de moments qui ont permis cette libération planétaire – que nous étions donc passés dans une période de revanche. Revanche légitime des femmes, mais surtout revanche nécessaire qui s’effectue dignement, et dans le cadre du droit. Aussi, c’est ce thème que je vous propose de traiter : la revanche.
Non pas le thème de la revanche exclusivement dans le cadre des violences, des abus, du harcèlement, mais dans un panorama très large. Toutes sortes de revanches : revanche personnelle, amoureuse, sociale (« A partir d’un certain âge, la gloire s’appelle la revanche », a écrit Georges Bernanos), collective, compétitive (monde du travail, des études, du sport…). Quête de la revanche, sens ou non de la revanche, esprit de revanche, absence voulue ou non de la revanche (Regrets ? Remords ? Sérénité ?)… Période de préparation de la revanche, vécu de la revanche durant son déroulement, période d’après la revanche accomplie (comment fut-elle ? Savoureuse ? Jubilatoire ? Vaine ? Utile ? Drôle ? Triste ?). Traces ou souvenirs de revanches passées, inabouties, réussies ? Voire : comment « l’autre » vit-il/a-t-il vécu la revanche ?… Enfin, nous sommes tous soumis, ou confrontés à la revanche : il y a ainsi celles inéluctables du temps, ou de la nature… Alors, de quelle couleur, de quelle chaleur est-elle, cette revanche ? Comme le pardon, la revanche est une notion qui variera selon la conception du monde et de la vie de chaque personne. Je me souviens ainsi de ce qu’avait fait dans « Prenez soin de vous » l’artiste Sophie Calle demandant à 107 femmes de répondre à une lettre de rupture. 107 belles et différentes revanches…
Quelles situations, avec quels personnages, quelles pensées, quels actes ? Quelles considérations aurez-vous donc à exprimer sur ce thème ? Songez bien qu’il ne convoque pas forcément une intrigue complexe, avec mousquetaire sautant par dessus une balustrade d’auberge et barbouze réglant les chiffres rouges d’une bombe à retardement. Aucun montage cérébral et stratégique complexe entre la machine à café et le bureau des fournitures, ni filature énamourée au salon de thé… La rouille ou la tempête, une photographie jaunie retrouvée ou un téléphone se mettant à sonner peuvent être, ou faire, revanche.
Pour terminer une précision qui me paraît être utile : si vous cherchez revanche sur Google, remonteront curieusement des résultats sur la vengeance. Or la revanche n’est pas la vengeance. La revanche rétablit une certaine justice dans un cadre juste ; la vengeance, généralement plus violente et haineuse, n‘est pas forcément, loin s’en faut souvent, dans le cadre de la justice, de la morale, ou de l’éthique…. La vengeance donne une leçon (parfois cuisante), la revanche, davantage, enseigne. Pour aller plus loin : la vengeance est une reprise, la revanche est un don (pour qui sait la considérer). C’est toutefois tôt subtil cette différence entre la revanche et la vengeance… Dans le Comte de Monte-Christo, il est question de vengeance (une des 36 situations dramatiques universelles), mais la revanche, c’est celle, exemple parmi tant d’autres, de Rosa Parks qui déclencha le mouvement aux USA des Droits Civiques.
La revanche, c’est celle d’une nouvelle remarquable de Nabokov (« Le Rasoir », 1923, dans « La Vénitienne et autres nouvelles ») dans laquelle un barbier laisse partir son ancien bourreau alors qu’il pouvait décider en quelques secondes de son sort, faisant écho à la citation du philosophe Francis Bacon (1561 – 1526) : « En prenant sa revanche, un homme devient égal à son ennemi, mais en s’abstenant de la prendre, il lui devient supérieur ». (Un homme…, ou une femme bien sûr, hein).
En revanche, j’ai hâte de vous lire.
Francis