Je suis très heureux car j’ai retrouvé la photographie ci-dessus, que j’ai cru avoir perdue, que j’ai cherchée désespérément maintes fois un peu partout durant ces dernières années (vieux ordinateurs, disquettes, etc.). J’avais le souvenir précis de cette image, et je voulais en faire un prétexte d’atelier d’écriture depuis l’an dernier. Je l’ai retrouvée par hasard dans un dossier… Enfin bref.
Ben voilà… c’est, du coup, sur vous que ça tombe !
J’ai pris cette photographie le 22 septembre 2003 au Wong Tai Sin Temple, dans le quartier de Kowloon à Hong Kong (métro Mei Foo) alors que se déroulait je ne sais plus quelle cérémonie ou célébration hebdomadaire ou exceptionnelle. Ce qui m’a alors fasciné — outre ce qu’il s’y passait en contraste de la ville, comme toujours là-bas —, c’est la cocasse présence de Cookie Monster, notre ami à tous de Sesame Street et du Muppets Show, plus connu pour sa passion des cookies et son talent pour le rap que pour sa foi taoïste, à qui d’ailleurs, il tourne le dos (vous l’avez vu sur la photographie : il est comme à la TV, face caméra).
Lorsque je pense au mot ou à l’idée de « cocasse », j’ai, depuis et immanquablement cette image du temple hong-kongais qui me vient en tête : Cookie Monster, hilare, au beau milieu d’une cérémonie collective taoïste, en plein sacré, en plein milieu de la tradition, des siècles, de la philosophie… Un sacré coco que ce cocasse Cookie Monster.
Voici ce que nous dit le Trésor de la Langue Française :
COCASSE, adjectif et substantif
I.− Adj. Qui est d’une drôlerie un peu bizarre, voire ridicule.
A.− [Appliqué à une personne] Dont l’aspect physique, le comportement ou le caractère habituellement plaisant, comique, parfois extravagant provoque involontairement le rire. D’étranges et cocasses petits vieillards (Van der Meersch, Invasion 14,1935, page 397):
1. Le comte de Bardi, plus jeune que sa sœur de deux ans, la dépassait de la tête. Vif, remuant, drôle, cocasse, joyeux, délicieusement imprévu, craquant de sève et de belle humeur, (…) il était le type achevé de ce qu’on appelait alors le « titi » parisien. Gyp, Souvenirs d’une petite fille,1928, page 325.
− Plus spéc.
1. [Appliqué à l’aspect phys., au comportement, au cost.] Qui a un côté bizarre, grotesque. Une petite femme grasse (…) avec une tournure boulotte où il y avait quelque chose de fallot [sic], de cocasse, de comique (E. et J. de Goncourt, Manette Salomon,1867, page 271). Des gestes cocasses, des roulements d’yeux (Dabit, L’Hôtel du Nord,1929, page 211)
2. [Appliqué à des propos, à un langues ou à l’un de ses aspects] Qui fait rire par ses traits comiques, ses tours de phrase extravagants, emphatiques, son style ou ses thèmes burlesques. Sa parole abondait et jaillissait en mots trouvés, en images cocasses, en ces métaphores qui sortent du génie comique des foules (E. et J. de Goncourt, Germinie Lacerteux,1864, page 206):
2. Mon visiteur a (…) dans ses propos cet éternel sautillement de la pensée qui rend la conversation anglaise si cocasse et si amusante aussi, car on passe d’un sujet à l’autre comme un singe qui se lance de branche en branche à travers la forêt. Green, Journal,1941, page 118.
− [Appliqué à une œuvre littéraire ou artistique] Quel film cocasse il y aurait à faire, une cascade de gags inépuisables et saugrenus (Cendrars, Bourlinguer,1948, page 306).
B.− Par extension [Appliqué à un inanimé] Qui amuse par son aspect bizarre, curieux, insolite.
1. [En parlant d’objet] De cocasses flacons à demi remplis de liqueurs (L. Cladel, Ompdrailles,1879, page 360)
2. [En parlant d’un détail de la nature] Un endroit cocasse et « qui a du cachet » [Cayeux] (Flaubert, Correspondance,1867, page 124). La lune brillait, une lune cocasse qui remontait le ciel contre le torrent des nuages (Queffélec, Un Recteur de l’île de Sein,1944, page 122).
− Locution : C’est cocasse, rien n’est (de) plus cocasse (que). Une coiffure sur les cheveux délayés de Bonvalot! C’était aussi cocasse que d’allouer des gants à un manchot (Frapié, La Maternelle,1904, page 112).
II.− Substantif Caractère de ce qui est d’un comique saugrenu; ensemble des traits comiques ou bouffons d’une personne, d’un écrit, d’un langage ou d’une chose. Son comique [à Vallès] qui va jusqu’au Cocasse, jusqu’à cet absolu dans le comique, le Cocasse (Verlaine, Œuvres posthumes,t. 2, Voyage en France par un Français, 1896, page 97).
− [Appliqué à un paysage] L’aspect des lieux atteignait le pittoresque et même le cocasse (Malègue, Augustin,t. 1, 1933, page 166; confer supra I B 2).
Alors voilà : je vous propose d’imaginer une nouvelle avec du cocasse. Plus précisément :
– Le cocasse n’est pas obligatoirement le noyau, l’argument du texte (vous n’êtes pas contrainte de créer une situation, une dramaturgie, une mise en scène ou une intrigue qui s’articule exclusivement autour de l’élément, l’objet, la situation, le personnage, que sais-je, de façon cocasse, de bout en bout. Si vous réussissez cette approche difficile, c’est formidable – mais ce n’est pas la demande).
– Toutefois, le cocasse doit apparaître au moins une fois, même s’il est mineur dans la scène (c’est-à-dire qu’il n’est pas le cœur de la scène), dans la nouvelle (soit l’effet Cookie Monster) : être assez présent pour être remarqué, mais il se passe autre chose de plus important ou de majoritaire que ce cocasse.
Plongez dans vos souvenirs savoureux et amusés (situations, personnes…), et romancez… Ou pour imaginer au besoin une dramaturgie ex nihilo, inspirez-vous de lectures, films, pièces de théâtre qui parfois jouent du cocasse dans un détail qui serait applicable dans un autre contexte… En effet, le détail cocasse crée de la proximité avec le lecteur : complicité, allusion, référence, clin d’œil… Le cocasse est particulier : il désacralise, mais ne crée, par exemple, pas forcément d’ironie. Il peut n’avoir ou n’apporter aucun sens… sans être absurde. Le cocasse apporte pourtant forcément une distance, un point de fuite. Attention donc : le cocasse n’est pas la gaffe, ce n’est pas du burlesque, ce n’est pas de l’absurde, ni du saugrenu (qui est plus gênant), ni de l’incongru (qui lui est dérangeant). En revanche, voir une scène mise à mal par du saugrenu ou de l’incongru (pour celui qui les subit)… peut être, pour vous (et nous) observateur(s)… cocasse (en humour, on rit toujours inclusif avec quelqu’un, ou exclusif face à quelqu’un)…
À noter, pour insister, que si le cocasse marche par entièreté (situation où tout est cocasse, où le cocasse prend toute la place… mais en tant qu’exception dans un univers cohérent et sérieux en arrière-plan) ou par détail (le cocasse est mineur dans une scène, mais sa présence crée du sens, un effet de distance de recul), le cocasse ne nait et n’agit donc et évidemment que par contraste (une seule chose l’est, dans un tout qui lui est sérieux).
Bref, c’est comme l’exotisme, le cocasse. Si tout, tout le monde, tout le temps, était cocasse (ou exotique) partout…, plus rien ne serait cocasse. C’est curieux, non ?
J’attends avec impatience votre petit cookie !
Coucou tout le monde!
Francis, le p’tit Quinquin de Dumont, c’est cocasse, burlesque ou autre? moi je pencherais pour cocasse. Je me trompe ou pas?
Oui je pense qu’on peut le dire, même si est souvent toutefois à la frange du « grand guignol » (d’ailleurs les scènes de fins des deux séries sont toutes deux, elles, du grand guignol, et je pense que ce n’est pas un hasard).
Le burlesque c’est différent. Le burlesque c’est principalement le corps qui bouge – et se casse la figure (Buster Keaton, Laurel et Hardy…), c’est du mouvement. Mais voir un personnage burlesque dans des circonstances sérieuses serait cocasse.