« Maman, maman !!! » Je rentre dans la maison, le souffle court d’avoir trop couru. Maman me regarde tendrement, je crois qu’elle est contente. Ce midi, elle m’a dit d’aller jouer dehors, qu’elle était fatiguée et avait besoin de se reposer.
« Il faut que je te raconte ! Il m’est arrivé quelque chose d’extraordinaire ! J’ai fait un bonhomme de neige immense ! Puis je suis allé jouer dans la cabane au fond du jardin. Et là j’ai vu un écureuil. »
Je vois bien que maman ne m’écoute que d’une oreille. Mais il faut à tout prix que je lui raconte.
« Il était rigolo cet écureuil, il faisait des petites traces de pas dans la neige. Entre ses pattes, il tenait une toute petite noisette. Il est venu vers moi, m’a regardé en penchant la tête sur le côté et m’a tendu la noisette ! » Je vois maman avoir un petit sourire et faire non de la tête.
« Je te jure que je te dis la vérité. Il m’a tendu la noisette. Elle était vraiment belle, c’est comme si elle était recouverte de paillettes. Alors je l’ai prise.
Au moment où je l’ai touché, c’est comme si j’étais aspiré et que je devenais une feuille ! Tu sais, ces feuilles d’automne qui volent au gré du vent ?
A un moment j’ai arrêté de tourner et je me suis posé comme un papillon. J’étais de nouveau moi-même. J’étais dans un drôle de monde. Tu sais, toutes les histoires que tu me lis le soir ? Et bien tous les personnages étaient réunis. Il y avait le lièvre d’Alice qui voulait me souhaiter mon non-anniversaire, il y avait les nains de Blanche-Neige qui sifflaient ; ils me faisaient rire car ils étaient tous noirs de suie. Il y avait aussi Babar, qui se promenait avec Céleste. Je n’ai jamais vu une couronne briller autant. Peter Pan mangeait du gâteau avec Cruella. Même Shrek était là, il était en train de cueillir des bananes pour des Minions.
Mais ce qui était bizarre, c’est que tout le monde marchait à l’envers. Ils avaient les pieds au plafond et la tête en bas.
Tout le monde a été très gentil avec moi. Ils sont tous venus me demander d’où je venais, qu’est-ce que je faisais dans mon histoire et comment j’étais arrivé ici. Je n’ai pas osé leur dire que j’étais juste un petit garçon et que je jouais dehors. Alors, j’ai dit que j’étais un super héros et que j’avais une mission secrète. Je sais, ce n’est pas bien de mentir mais c’était pour la bonne cause. Là, la fée Clochette m’a dit que si j’avais une mission, il fallait aller voir celui qu’ils appelaient Grand Blanc.
C’était mon bonhomme de neige ! Le même en plus gros !
Il m’a regardé, m’a pris contre lui et m’a murmuré à l’oreille. Il a dit qu’il savait qui j’étais, et ce que j’étais en train de faire. Mais que si je voulais être un super héros, et bien je le pouvais ! Je n’avais qu’à décider ! Mais il m’a dit aussi que c’était bien d’être un petit garçon, qu’il fallait en profiter et que les missions secrètes de super héros pouvaient attendre un peu.
Là, il a ouvert une porte. Je suis resté sans parler tellement c’était magnifique. Un monde de chocolat, de gâteaux, de sucreries.
Tout était coloré, les maisons étaient comme celle de la sorcière dans Hansel et Gretel. Il y avait les cascades de chocolat de Charlie et la chocolaterie. Il y avait des nuages en barbe à papa avec, au dessus, des bisounours qui me faisaient des grands signes.
Je me suis promené dans cette drôle de ville. Certaines personnes continuaient à marcher au plafond.
Puis, derrière un lampadaire-sucre d’orge, la marraine bonne fée est apparue. Elle m’a demandé ce qui me ferait le plus plaisir à avoir. Je lui ai dit que je voulais pouvoir revenir dans ce monde aussi souvent que je le souhaitais ! Que jamais il ne disparaisse.
La bonne fée a souri et m’a demandé pourquoi il disparaitrait ? Qu’ils étaient bien réels et avaient envie de continuer à vivre plein d’aventures.
Elle m’a dit que pour revenir ici, je n’aurai qu’à faire un bisou à la noisette que m’avait donné l’écureuil et que je reviendrai aussitôt. »
Maman sourit de plus belle, elle me fait une caresse sur la tête en me disant : « Je ne crois pas avoir autant eu autant d’imagination à ton âge ! Je crois que tu t’es endormi et que tu as fait un très beau rêve. Mais maintenant, il faut que tu ailles faire tes devoirs. »
Je vois bien qu’elle ne me croit pas. Le doute m’envahit, il ne peut pas s’agir que d’un joli rêve ?
Je tourne la tête en mettant la main dans ma poche. Au moment où mes doigts attrapent une toute petite noisette pailletée, je jurerai que mon bonhomme de neige dehors vient de me faire un clin d’œil…
Par Groux
Voici un texte qui verse dans le merveilleux, version « enfance ». Avec un espèce de mélange, comme pourrait effectivement le faire un enfant, de plein de références connues, réinterprétées à la sauce de ce petit garçon créatif. Il y a dans ce texte un côté jaillissant, spontané, naïf et frais, en phase avec l’âge supposé du narrateur. Le ton est assez juste (à part certaines formules du type « Le doute m’envahit », qui me semble être une formule d’adulte), avec ce coq à l’âne propre à l’enfance, et cette pensée « au fil de l’eau », qui ne s’embarrasse pas encore de ce que pensera l’alentour. Les multiples références donnent un côté foisonnant qui séduisent aussi les adultes, en les renvoyant à leur propre imaginaire et à leurs souvenirs d’enfance.
Au passage, la châtaigne de la proposition s’est transformée en noisette (mais on n’en veut pas à Groux, c’est plutôt mignon !)
Il me semblerait néanmoins intéressant, dans ce texte, de ne pas oublier le personnage de la maman. Il est pour le moment fort peu développé (c’est peut-être un effet de la limitation de caractère, je le concède !), et il n’y a du coup pas de réel « interlocuteur » à l’enfant. Pourtant, quand elle intervient, même par une petite phrase, c’est pertinent. C’est par elle que vient le doute sur la véracité du récit, son côté rêvé, c’est donc elle qui donne la « clé » du récit, et qui donne par là-même un certain relief au personnage. Il me semblerait donc intéressant de renforcer ce personnage de la maman, même un peu, avec une phrase par-ci, une phrase par là, car ça renforcerait aussi le personnage de l’enfant, en miroir.
Merci pour ce retour !
Alors pour le changement de la châtaigne en noisette, je pense que de vouloir la faire passer par l’écureuil m’a chamboulé les idées !!
Effectivement, je n’ai pas vraiment développé la personnage de la maman. Il y avait le nombre de caractères qui m’y empêchait.
Il y a aussi que je n’ai pas l’habitude d’écrire un dialogue et que déjà, le fait de faire parler l’enfant a été un challenge car je ne me sentais pas à l’aise avec les tournures.
Mais ça vaudrait le coup de revenir dessus !
Oui, c’est compliqué, de se mettre au dialogue, et tu t’en sors plutôt bien! Le personnage de la maman serait vraiment intéressant, mais probablement dans la perspective d’un texte plus long, effectivement.