La haine est un sentiment étrange qui m’avait toujours été inconnu. Tout a changé il y a quelques mois. Elle est entrée dans ma vie un samedi et n’en est jamais repartie. C’est elle qui m’anime, me maintient en vie. Elle est présente en moi et peut prendre diverses formes. Parfois elle me glace et me pétrifie. Parfois elle déborde et me transforme en monstre.
Je me sens trop petite pour ces immenses torrents d’émotions qui me submergent. Comment rester humaine dans ces cas-là ? Comment faire preuve de réflexion et de raison quand tout n’est que rage et fureur ?
Tout ça c’est à cause de toi. Je te déteste pour ce que tu m’as fait et je te déteste pour ce que je suis devenue par ta faute. Je me suis aperçue ces temps-ci que la haine était vraiment proche de la mort. Chaque fois que ma haine remonte je ne pense qu’à la mort. A la tienne, à la mienne, à la vôtre. Quand je suis en pleine tempête de rage je crois que je vais mourir. Pas en me donnant volontairement la mort, mais plutôt comme si mon corps n’allait pas supporter ces souffrances immenses et juste exploser. Je pense souvent que je serai contente quand tu seras mort, et puis l’instant d’après j’en doute.
Je hais la façon dont tu as agis et dont tu continues d’agir. Je hais tous tes défauts qui m’ont longtemps attendrie. Tu as un avis tranché sur tout, tu es désordonné, tu es égoïste, froid et manipulateur. Ma colère est immense et j’ai la sensation qu’elle ne diminuera jamais. Sois certain que je ne pourrai jamais te pardonner. Tu m’as traitée comme un vieil objet dont on se lasse. Comme une personne jetable, à usage unique. Et je n’ai même pas eu mon mot à dire. Comment as-tu osé ?
J’imagine parfois que toi aussi tu t’es transformé en monstre involontairement, qu’une maladie te ronge et change ton caractère. Que c’est neurologique. Mais ça n’est pas le cas, tout est sous contrôle et volontaire. Tu as changé, toi qui avais pourtant promis en cette si belle journée…
par Jasmette
Voilà un texte (tout comme un autre de l’atelier) qui relève du monologue intérieur. Ce monologue met en scène un changement, dû à un traumatisme (qu’on imagine sentimental, mais comme ce n’est pas dit, on a peut-être tort !). C’est le thème du personnage chamboulé, qui ne se reconnait plus lui-même tant ce chamboulement est violent. Le monologue est intérieur tout en étant « adressé » au bourreau. Qui ne recevra pas ce message, bien entendu, mais qui en est malgré tout le destinataire. Le texte rend bien le mélange de sentiments très contradictoires (impuissance, impression d’être « tout petit » ; et en même temps violence et haine puissante et destructrice, incontrolable) . On a l’impression que finalement, le personnage est balotté et peine à garder pleinement le contrôle de lui-même dans cette affaire.
Pistes de travail possible :
– insérer là aussi des éléments concrets, de « vraie vie », qui rendraient le personnage plus proche de nous, plus attachant. Qui nous ferait comprendre concrètement comment sa souffrance se traduit, au delà du « discours ». On vibre mieux quand on « ressent » les personnages. Simple exemple : après cette phrase là : « Je me suis aperçue ces temps-ci que la haine était vraiment proche de la mort. », il est tout à fait possible de poursuivre avec quelque chose du type « tiens, par exemple, l’autre jour… » , et insérer une anecdote de la vie quotidienne. C’est tout à fait possible à faire aussi à d’autres endroits du texte, qui s’y prête assez bien.
– Il est possible de pousser la métaphore du « monstre » plus loin. L’imaginer, le décrire, cruel, fort, violent, carrément. Lui aussi, le mettre en situation concrète d’être un beau salaud (libre à vous ensuite de décider si finalement, vous le rachèterez ou non… !)
– La fin est ouverte, et évoque « cette si belle journée ». Soit c’est un mystère que l’auteur souhaite laisser tel quel. Soit il est possible de la raconter, cette journée, sous forme de flash-back, peut-être petit bout par petit bouts, en incises dans le texte, paragraphe après paragraphe.
Merci beaucoup pour le retour, je suis rassurée d’avoir réussi à transmettre l’idée de sentiments puissants, contradictoires et incontrôlables.
La piste de développer le monstre me paraît vraiment intéressante et j’essaierai de la développer pour étoffer mon texte.
Pour la si belle journée j’avoue préférer laisser planer le mystère !