» Monsieur Cohen, notre dernière séance date d’il y a … cinq mois environ, non ?
– Oui, c’est ça , c’était en mai.
– Vous aviez, si ma mémoire est bonne, un éventuel projet pour l’été. Un voyage en… Asie ? un cadeau de votre mère, je crois.
– En Mongolie exactement.
– Oui, je me souviens que nous avions longuement échangé sur les ruptures, l’éloignement, la distanciation avec les habitudes, la capacité au refus, blablabla. »
Samuel Cohen a déjà décroché et il prête peu d’attention au monologue de madame Delombre, psychologue hors de prix et même pas séduisante, mais dont le cabinet est à deux pas de chez lui. La proximité est pour Samuel Cohen ce que la connexion internet est au wifi domestique, plus il s’éloigne et plus il est perturbé. Il aurait mille fois préféré annuler ce rendez-vous avec la psychologue mais il n’en a pas trouvé le courage, et puis il aurait fallu expliquer pourquoi, ou tout au moins trouver une raison, et de raison il n’en avait aucune. Sauf peut-être d’afficher enfin le début de l’ombre d’un peu d’ambition pour dire « non ». Samuel Cohen ne sait pas dire « non ». C’est un véritable calvaire ! Mais il a hésité, procrastiné, reculé, et pour finir s’est persuadé que ce rendez-vous serait le dernier et qu’il y viendrait donc pour cette seule et unique raison, boucler une bonne fois pour toutes cette thérapie. Maintenant qu’il était face à madame Delombre il disposait d’une demi heure devant lui pour faire savoir qu’il souhaitait mettre fin, ou plutôt qu’il affirmait pouvoir mettre fin, ou bien encore qu’il était nécessaire de mettre fin… bref, qu’il fallait que ça s’arrête. Il faut qu’il le lui dise, il se doit de lui dire et… il sent une odeur pas très agréable. Ca sent… la transpiration. Ça le dérange et il se demande quel patient avant lui a pu transpirer à ce point et laisser sur place une telle trace, à moins que ce ne soit madame Delombre. Ou lui-même ? Dieu du ciel, (expression favorite de sa mère), ce doit être lui ! il s’agite un peu, se recoiffe (presque) négligemment, et tout en levant son bras, tente discrètement de vérifier si c’est bien lui qui dégage cette odeur de… comment dire… de salle de sport ?
Cécile Delombre s’est tu, regarde son patient et finit par rompre le silence :
« Monsieur Cohen ? »
Ça y est, il a décroché. Elle voit bien qu’il est déjà ailleurs, perdu dans ses pensées et qu’il s’agite un peu, parfait dans le rôle du type qui ne transpire pas le bonheur ni la bonne santé. Il transpire tout court. Rien n’a donc changé ces derniers mois et Samuel Cohen est égal à lui-même, avec son éternel jean trop grand et trop mou, sa chemise blanche bien fermée jusqu’au col, et son petit pull shetland bleu ciel usé jusqu’à la corde. À 42 ans il a la même tête qu’à 25, une tignasse rousse hirsute et indomptable, une barbe de trois jours , et ce regard clair et perdu. Un parfait obsessionnel, légèrement psychotique avec une touche de paranoïa, et cerise sur le gâteau, un lien indestructible avec sa mère. Ce n’est pas un lien, c’est une corde à nœuds. Il a le profil-type dont on se régale quand on est jeune professionnelle passionnée de psychologie. Mais Cécile Delombre n’est plus une jeune professionnelle et ce genre de patient la fatigue. Et son odeur est incommodante. Elle va devoir aérer un peu, sans quoi, c’est une mort lente assurée dans la demie-heure à venir.
Elle réitère :
« Monsieur Cohen ? »
Il croise et décroise les jambes, accroche ses mains sur un genou et toussote pour s’éclaircir la voix, et raccroche enfin les wagons :
« Le voyage ? c’était en Mongolie. »
Il tente de prendre un air détaché, ce qui lui va assez mal. Il a des palpitations et sent son cœur qui bat à tout rompre partout dans son corps. Ça lui arrive souvent et sa mère, lectrice assidue de doctissimo.com avait diagnostiqué l’affaire : « Schlim, mon chéri, c’est du RUBATOSIS. Les anglais appellent ça comme ça. Tu entends ton cœur, mais ce n’est pas vraiment lui. C’est parce que tu t’inquiètes d’un rien, alors tu palpites, ça cogne, mais c’est juste une impression. Ça va aller mon petit Schlim, tout va bien, je suis là. Cesse de t’inquiéter pour rien». Samuel Cohen se ressaisit et complète sa réponse à la psy :
« Saviez-vous que pour s’y rendre il faut prendre un avion de l’Aeroflot ? Vous connaissez les compagnies Russes ? Non ? c’est à se demander s’ils ne construisent pas leurs avions avec des restes, une aile par-ci, un poste de pilotage par-là, un moteur rafistolé, des issues de secours montées à l’envers.
– Montées à l’envers ?
– Oui, oui, le haut de la porte se trouve en bas. Si vous voyez écrit « issue de secours » au ras du sol et à l’envers, avec le hublot au niveau des tibias, c’est bien que la porte elle-même est à l’envers. Pas d’autre issue.
– Pas d’autres issues, dans l’avion ?
– Ah ! si, oui, d’autres issues, plusieurs issues, mais je veux dire par « pas d’autre issue » qu’il n’y a qu’une seule explication. Si c’est écrit « EXIT » à l’envers et en bas, c’est que ce n’est pas dans le bon sens. Imaginez qu’il faille l’ouvrir la porte, et bien qui va réussir ce tour de force de faire ça à l’envers et en plein vol. Ça fout des suées rien que d’y penser. »
Samuel Cohen vient de marquer un point. Cette dernière petite phrase, lancée « comme ça l’air de rien », permettait de glisser une excuse concrète au cas où la psychologue remarquerait cette petite odeur de transpiration. Il est soulagé, il se trouve bien malin. Sa mère serait fière de lui.
Il continue :
« Et puis vous savez combien je déteste les imprévus et l’inconfort alors un voyage en Mongolie ça ressemble à tout sauf au « Club Med ». Enfin, c’est façon de parler parce que je ne suis jamais allé au « Club Med », mais j’ai failli me laisser tenter, une fois il y a longtemps et…
– Monsieur Cohen, si vous voulez bien, restons un peu sur la notion de la séparation, l’éloignement, le refus. Vous avez donc réalisé ce voyage ? Vous étiez dans cet avion ?
– Oui oui…ce n’est pas tellement l’attrait du voyage mais je ne voyais pas comment refuser ce cadeau de ma mère. Ça lui faisait tellement plaisir de m’offrir du dépaysement. Je n’ai pas pu lui dire non.
– Eh bien bravo, car si je me souviens bien vous étiez tout de même inquiet, un peu stressé, et vous l’avez fait ! J’en suis très étonnée. Agréablement étonnée même. C’est un énorme progrès monsieur Cohen. Qu’en pensez-vous ?
– Qu’on ne m’y reprendra pas.
– Ah. Ça ne s’est pas bien passé ? c’est l’avion en lego qui vous a perturbé ?
– C’est après l’avion que ça se gâte vraiment. Le tour-operator nous a récupéré à l’aéroport et transporté jusqu’à notre lieu de séjour : une yourte. Un soi-disant habitat traditionnel, mais franchement cette yourte plantée dans la banlieue d’Oulan-Bator à quelques encâblures de l’aéroport, ça se voyait que c’était un attrape-couillon. Pour nous souhaiter bienvenue dans cette simili yourte, un Oulanbatorien déguisé en Gengis Khan on nous a servi de l’airag.
Et voilà, il s’était promis de ne pas rentrer dans le sujet, et pourtant il avait les deux pieds dedans.
– Certes, monsieur Cohen, vous qui redoutez tant de vous éloigner de votre quartier, vous avez mis la barre haute. Vous soignez le mal par le mal monsieur Cohen ? vous dites qu’ils vous ont donné quoi ? Un airbag ? Pour quoi faire ? Pour le vol retour ? »
Il faut qu’elle trouve le bon moment pour se lever et ouvrir la fenêtre. Ça ne sent pas mauvais, ça pue. Elle va le laisser reprendre le fil de l’échange et dès qu’il fera une pause elle en profitera pour ouvrir un peu. Et pourtant il fait un temps de chien, et elle n’a pas encore remis le chauffage dans le cabinet. Ça caille dedans et dehors. Mais entre les effluves de vestiaires de footballeurs et le froid il va falloir choisir. Samuel Cohen se sent obligé de rectifier l’erreur de compréhension de la psy :
« Non, madame Delombre, pas un airbarg, mais de l’airag. Ça s’écrit A-I-R-A-G. »
Elle craque, elle se lève et ouvre la fenêtre. En grand. Tant pis pour le froid. Elle a d’autres projets que de mourir étouffée dans les odeurs de pieds ou de bras de ses patients.
» J’ouvre un peu, je me permets, on étouffe ici. »
Il regarde madame Delombre se mettre sur la pointe des pieds pour atteindre la poignée de la fenêtre et entrouvrir un battant. Qu’elle soit debout ou assise, cette femme semble avoir la même taille. Elle est toute petite et quand elle est derrière son bureau il est impossible de savoir si elle est sur ses deux pieds ou calée dans son fauteuil. Samuel profite de cette petite diversion pour se concentrer sur son objectif du jour : annoncer à petite Delombre qu’il met fin à sa thérapie. Il regrette un peu de na pas avoir évoqué cette décision avec sa mère car il est certain qu’ elle lui aurait dit que faire, elle qui sait toujours comment faire et il entend d’ici ses propos : « Schlim, mon petit, fais ceci ou fait cela, je te conseille de, ….» Il regarde sa montre et lui reste 12 minutes, c’est le bon moment pour annoncer la fin de la thérapie. Il va y arriver. Mais il ne va pas laisser la psy dans l’ignorance, il lui explique ce qu’est l’airag et ensuite, seulement ensuite, il fait son effet « clap de fin », il se lance :
« C’est une boisson. L’airag c’est du lait de chamelle fermenté. Le lait, pas la chamelle. »
Elle se penche vers son bureau, jette un œil sur sa montre posée sur le sous-main, et se dit qu’il y a encore 11 minutes à tenir avec monsieur sudation. 11 minutes c’est court, mais ce peut être aussi un peu long. Et qu’est-ce qu’il raconte ? De l’airag ? Elle fait semblant d’être intéressée et demande :
« Hum… une boisson locale ? et donc ?
– Affreux. le faux Gengis Khan nous tend un bol rempli à ras bord. Un truc blanc, ça ressemble à du lait, mais mi-solide mi- liquide. Quand ça bouge dans le bol ça dégage une odeur indescriptible et déconcertante. Gengis Khan nous fait comprendre que la tradition d’accueil veut que nous buvions ce truc, en une fois, et que c’est un honneur qu’il nous fait.
– Du lait de chamelle ? fermenté ? et… ?
– J’ai pas pu. L’odeur. En approchant le bol de mon visage j’ai cru qu’une classe entière de sport-études se déchaussait à l’unisson après des heures d’entraînement.
– Et vous vous sentiez obligé ? quel sentiment vous a animé à ce moment-là ? de l’obéissance ? du respect eu égard à la tradition ? l’incapacité à décliner ? la peur de décevoir ? »
8 minutes. Encore 8 minutes. Il transpire comme un bout d’emmental en plein soleil. Quant à Cécile Delombre, elle se félicite d’avoir ouvert la fenêtre.
A défaut d’A-I-R-A-G elle a de l’ A-I-R-F-R-A-I-S. ça la fait marrer (intérieurement, il va de soi…). Elle l’écoute :
« Eh bien à vrai dire. C’était confus. J’étais figé devant mon bol, et je pensais à la chamelle, à son lait, ça me dégoûtait, et tout le monde avait bu ce truc puant. Les regards étaient tournés vers moi, j’étais le dernier et…
– Tout le monde ? Vous étiez nombreux à partager cette petite épreuve ? mais avec qui étiez-vous monsieur Cohen ?
– Nous étions seulement trois, Gengis khan, ma mère et moi. Ma mère…. Elle… Elle souriait à Gengis Khan puis s’adressait à moi en disant « Schlim ? tu peux boire ce… cette… ce truc généreusement offert par monsieur ? ». Affreux, c’était affreux.
2 minutes. Il reste 2 malheureuses minutes avant de boucler cet entretien. Samuel Cohen est liquéfié sur son siège, au propre comme au figuré.
« Votre mère ? vous avez fait ce voyage avec votre mère ? Tous les deux ? »
Elle regarde une ultime fois sa montre. Elle est soulagée, la demi-heure s’est presque écoulée, mais aussi contrariée car l’odeur semble persister. Elle décide d’en finir :
« Jje ne crois pas que nous allons pouvoir aller beaucoup plus loin aujourd’hui, malheureusement pour la suite de ce séjour qui nous apporte matière à réflexion et analyse , et à mon sens vous avez encore un peu de travail à faire sur la rupture et la distanciation. Qu’en pensez-vous ? Souhaitez- vous que nous reprenions un rendez-vous ? »
Elle prend son agenda, chausse ses lunettes loupes, tourne les pages, et attend la réponse de Samuel Cohen. Samuel se dit que c’est maintenant ou jamais et se lance :
« À ce propos, je suis venu aujourd’hui parce que je me demandais s’il n’était pas temps pour moi de passer à autre chose.
– Oui, j’ai bien compris. Ce séjour est un nouvelle pièce à l’édifice de votre introspection. »
Elle continue à tourner les pages de l’agenda, pendant que Samuel se tortille sur sa chaise. Elle lève les yeux au-dessus de ses lunettes, il reste 1 minute. Juste le temps de lui poser la question :
« Schlim ? votre mère vous appelle Schlim ? ça vient d’où ce surnom ?
– Ah, ça ! le diminutif de schlimazl. En yiddish
– Schlimazl….et… ça a une signification particulière ? »
Il est trempé. Un double marathon ne l’aurait pas mis plus à mal.
« Oui. « le malchanceux récurrent »
Madame Delombre marque un temps d’arrêt. Son odorat est anesthésié, la chamelle doit être entrée dans le bureau avec un bol de lait qui doit être fermenté depuis plusieurs semaines. Elle feuillette nerveusement les pages de l’agenda, et dit sur un ton badin mais sans appel :
« Plusieurs rendez-vous monsieur Cohen. On va prendre dès maintenant plusieurs rendez-vous. »
Image : Alexas_Fotos – Pixabay
J’ai beaucoup aimé dans l’écriture les interventions mentales des deux personnages , c’est très vivant et cocasse, de plus leur psychologie respective , la description de cette odeur tenace sont très réalistes, j’ai failli ouvrir la fenêtre de mon bureau ! Excellente idée super originale, ça m’a beaucoup plu 🙂
J’ai ri aux larmes! Vraiment chapeau pour ce moment de lecture. Tout est merveilleusement décrit et c’est vraiment très drôle. Merci, merci, merci!
L’humour à la Ketriken ! Sacrée histoire entre un patient très très typé, et sa psy. On est carrément immergés dans cette nouvelle à l’odeur prégnante 🙂
Le coup du lait de chamelle vient parfaire le tout.
Savoureux (pas le lait hein, mais ton texte !), délirant, porté par une écriture que je qualifierai de « pimpante ».
C’est super chouette. Bien typés les deux personnages et moi aussi, j’ai aimé leurs monologues intérieurs. Et cette odeur obsédante fait partie du lot.
J’ai trouvé qu’il y avait de bonnes trouvailles dans l’expression : « la proximité…. est ce que la connexion internet est au wifi domestique » et « ce n’est pas un lien c’est une corde à noeuds ». Excellent…
Un bon moment de lecture. Merci Ketriken.
Très drôle, bien rythmé; le ping-pong entre les deux personnages fonctionne super bien et donne le rythme au texte. Je me suis vraiment sentie à la fois sur le divan du patient à la fois dans le siège de la psy. Bien joué!
Bravo Ketriken… Dynamique et très, très odorant. Je me suis demandée un moment si tu allais arriver sur ce mot ou il est question de n’obtenir du lait de chamelle que si on lui titille les narines (nakhur). Mais non…
je ne sais si tu connais l’allemand mais shlim veut dire grave… et je trouve justement qu’il est bien grave atteint ce patient et que cette pauvre Madame Delombre n’est pas tirée d’odeurs.
A propos d’allemand et de mots, je ne sais pas si vous (je m’adresse à tout le monde) parlez une langue qui vous a permis de retrouver des mots connus, mais moi je me suis régalée avec l’allemand. J’en ai même ajouté quelques uns à mon répertoire.
salut tout le monde
je me réjouis de vos commentaire, et je me réjouis de votre réjouissance à la lecture des « aventures de Schlim ». si vous vous êtes amusées, objectif atteint pour moi! et quand je vois la qualité de vos textes, je vous assure que pour le coup c’est moi qui me met à transpirer! vous êtes balaises tout de même… bravo tout le monde!
oui, comme Melle j’ai rencontré des mots que je connaissais déjà, (l’airag en faisait partie). certains sont tellement droles!!!! et certains sortis de leur contexte sont destabilisants. sans rire: se prendre une cuite sur son balcon et en calecon, on peut légitimement se demander comment une telle phrase devient UN SEUL MOT! ou presque…
quant à en faire une nouvelle, ça devient de l’art brut!
Un ami auteur, Jean-Bernard Pouy, qui s’était retrouvé invité en festival dans je ne sais plus quel pays nordique et dépressif, de ceux où les gens se prennent des cuites dantesques le vendredi soir ; où on les retrouve comateux en travers de la rue, m’avait raconté qu’ils ont eux-mêmes un mot pour désigner leurs voisins frontaliers qui font encore plus fort dans la soûlographie et qui signifie « nos voisins à quatre pattes ». (Je ne me souviens plus des pays concernés, hélas).
Encore une nouvelle exemplaire dans cet atelier : j’ai cru lire une nouvelle de Woody Allen (lisez ses recueils, c’est hilarant) où il y a souvent le satané grand-père Schlomo, ou d’autres plus jeunes au prénom juif archétypal, qui se débattent entre leur mère, les contraintes sociales, et je ne sais quelles choses anodines qui deviennent cataclysmiques — sur fond de psy. Bravo Ketriken, c’est superbe. Comme chez Ktou14, l’exercice était d’équilibriste (la nouvelle ou la scène chez le psy étant presque un genre en soi. Il y en a chez Tonino Benacquista et d’autres) : faire accepter qu’il exsude du lait de chamelle fermenté passe comme une lettre à la poste, les informations et pensées intérieures sont vraiment très bien réparties (un bon aller-retour intérieur, extérieur), les dialogues savoureux soigneusement entrecoupés de postures, détails à point nommé, et il n’y a rien de trop long ni de trop appuyé (le coup de l’odeur, cela aurait pu déraper en étant trop accentué, mais là non. Ça pue juste assez 🙂 ), on sent monter le malaise… Et la chute ! Superbe chute ciselée, pesée, qui réussit son effet juste après qu’on nous dise le sens de Schlim (que j’ignorais). C’est complètement bouclé, il est mal barré et ça ne va pas s’arranger. Son nom lui colle décidément à la peau. On est dans l’humour juif totalement maîtrisé. J’adore ! Là aussi j’aimerais bien savoir quel a été le processus de création : comment en partant du lait de chamelle on arrive à une séance chez le psy ? On conviendra que le lien n’était pas évident. J’adore faire ce boulot d’atelier car je suis toujours fasciné par ce que les participants produisent, les talents qui soudain sont déployés, et pour le coup, merci Ketriken.
processus de création? pfffooouuu………. allez je balance: la fainéantise. je vous la fait courte:
écrire un texte avec des mots inventés et étrangers: pouah!!! allez hop n’importe lequel, le hasard.
à l’étranger? aie aie aie va falloir donner des éléments de contexte crédibles, faire des recherches, etc etc…
et hop! la fainéante que je suis trouve le moyen de « faire raconter l’étranger », dans un environnement trés confiné. allez, va pour le bureau médical.
et voilà, les éléments de contexte sont posés, reste à inventer l’échange et choisir le ton: dramatique? humoristique? terrifiant?
je ne vous cacherai pas que je vous ai évité un texte de 20 pages, avec la psy qui anticipe les achats possibles à faire le soir même avec les 150 balles de schlim (pendant que Schlim parle elle fait mentalement sa liste courses), et puis vous ai évité aussi ‘le tour de cou » de Schlim (dans une de mes versions il porte un tour de cou « voyage » avec des mickeys, et tellement confortable car à « mémoire de forme »… » enfin bref, dites vous bien que vous avez échappé au pire. j’en ai enlévé des tonnes pour vous servir de l’allégé.
processus de création avez vous dit? trés simple pour moi.en faire le moins possible!!!
je prends la consigne, j’imagine une fin, et je remonte l’histoire jusqu’a ses débuts. puis je raye tout ce que je trouve inutile.
tout bien réfléchit, ce doit être pour cela que je ne suis pas (mais alors vraiment pas) auteure!. ça demande trop d’efforts…
Le pire c’est que la méthode me semble excellente. 🙂 On dit qu’il y a en écriture les architectes (qui font des plans très pointus), ou les jardiniers (qui sèment et regardent comment ça pousse).
Pour la fainéante que tu nous décris, tu fais fort quand-même ! Qu’est ce que ça serait si tu y mettais du tien !
oui, je sais Betty, c’est aussi pour ça que je retients mes pulsions « d’efforts », car mes productions seraient tellement bonnes que s’en serait humiliant pour grands nombre d’écrivains. (non seulement je suis fainéante, mais j’ai un égo surdimensionné, ça donne envie de me rencontrer, tu trouves pas?)
Ou encore les archéologues, qui trouvent un bout d’os et qui peu à peu déterrent le squelette.
J’aime beaucoup les archéologues 😉
Euh Ketriken, pour l’envie de te rencontrer, et bien oui, ça ne me déplairait pas à priori, j’adore ton humour !
Je viens de relire et vraiment, je ris encore. Je suis fascinée par le travail d’équilibriste que demande une écriture capable de faire rire. Et sur la méthode, on peut dire que la paresse est rudement inspirante. Ne change rien…