Aux participant(es) de l’atelier « bleu ».
Vous n’êtes pas des bleu(es), on ne vous la fait pas, aussi je vais jouer franc jeu. Voici ce que j’ai écrit à Emije, mardi soir, quand sont tombés les premiers textes : « (…) Je me suis dit après coup : tu y es allé trop fort ; cette proposition d’écriture est difficile (je m’en expliquerai en détail) et peut-être as-tu décontenancé les participant(e)s. Et puis finalement, à lire et relire les textes qui tombent (et donc à m’affranchir de ce à quoi je m’attendais, qui était différent) je découvre une autre approche du thème, à chaque fois plus personnelle. Des fragments de vie, des confessions en filigrane, des tableaux, des images. Et du coup, c’est réussi. Vous verrez. »
Mais j’étais toutefois quelque peu décontenancé. Et d’autres textes allaient arriver, différents.
Aussi, cela appelle des commentaires plus généraux sur le résultat de cette proposition d’écriture.
À titre personnel, en effet, et c’est la première leçon que j’en tire (ce qui est passionnant dans les ateliers, c’est que l’animateur lui-même en apprend un peu plus chaque fois), je m’attendais majoritairement à une mise en scène, à l’établissement d’ambiances, à l’instauration de climats dans lesquels se trouveraient des enjeux. Soit le choix d’une nuance chromatique, appliquée à une histoire, une intrigue, un univers, une caractérisation… Par exemple, « Bleu comme l’enfer » est un polar de Philippe Djian caniculaire, un peu sudiste, et affuté comme une lame d’acier (pour ce que je m’en souviens). Il y a bien eu de ces textes, contextes, ambiances qui dégagent des couleurs, ou en utilisent, ou encore en sont l’émanation. De tels textes sont en effet nés, que vous allez découvrir. Mais, à ma grande surprise, ils ne sont pas exclusivement de cette forme.
En effet, il y a eu des productions qui ne relèvent absolument pas de la mise en scène. Le bleu s’est révélé aussi être, pour ce que j’en perçois avec mon propre chromatisme, pour presque la moitié environ des textes non pas producteur d’univers ou d’intrigue, mais catalyseur de fragments, de pensées, d’instants, de souvenirs. Je me suis dit, pour cette seconde forme, au départ, que c’était parce que le thème était trop difficile, et donc que les auteures s’étaient raccrochées au bleu-sensible, plutôt qu’au bleu-visible… et puis, je me suis souvenu qu’il y avait ici tout de même des plumes, et que cet usage du bleu n’avait pas pu être une question de facilité, mais bien une question de vibration. C’est pourtant l’évidence que l’usage de la couleur en tant que thème d’écriture (qui plus est, est une des plus complexes et polysémiques) ne déclenche pas le même mode de traitement selon les personnes. Ce qui n’est pas le cas pour toutes les propositions d’écriture en général.
Pour être clair, il y a eu dans cet atelier deux catégories de textes :
– Soit des mises en scènes, des intrigues avec éléments bleus… c’est-à-dire le bleu comme objet. De la narration bleutée (cf un vieux souvenir ; un film de Lelouch : « Viva la vie » où la colorimétrie bleue est un élément déterminant, participe de l’argument même, imprègne la direction d’acteur). Le bleu comme élément du cadre donc. Il est l’alibi du texte. Le gemme dans un filon.
– Soit du pointillisme, de l’abstraction, faisant appel au souvenir, à l’onirisme, au vécu personnel, à l’intime, soit… le bleu comme sujet. Ce sont les textes qui ce sont le plus attachés à la couleur elle-même, sa symbolique, son vocabulaire, les émotions qu’il suscite. Ce sont les textes les plus empreints de bleu, les plus teintés de bleu.
Soit donc deux usages presque radicalement différents d’une même couleur, dans ses pourtant multiples variations.
Ce qui me rend curieux, serait de savoir ce que produiraient d’autres couleurs. Peut-être oserai-je dans quelque mois en proposer une autre, fortement connotée (rouge ? noir ? rose ? mauve ? …).
Quoiqu’il en soit, et c’est dit très sincèrement, bravo ! L’exercice était difficile. Il y a des résultats remarquables. J’espère, enfin, que mes commentaires sous vos textes vous sembleront pertinents et non pas d’un bleu pâlot.
Et à très vite d’échanger avec vous !
Francis
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Les textes de l’atelier ci-dessous sont publiés dans l’ordre antéchronologique d’arrivée.
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