Texte de Mano

Après la mort de ma sœur, pendant plusieurs mois, tout ce qui m’avait relié à elle vivante m’était insupportable. Une musique que nous écoutions ensemble, et c’est encore vrai aujourd’hui quinze ans après, pouvait me provoquer une crise d’angoisse, un boum dans la cage thoracique insoutenable. Des objets lui appartenant, des lieux qu’elle fréquentait pouvaient m’embrumer le cerveau d’une grisaille de plusieurs jours. Curieusement les photos d’elle étaient envisageables.
Non pas que c’était facile mais avec un brin de respiration abdominale, j’avais l’impression qu’elles me permettaient de « faire mon deuil » comme on dit. Et je me souviens de cette photo prise dans un photomaton. L’époque de cette photo, allez je dirais les années 70. J’avais une dizaine d’années, ma sœur 7 ans de plus. Je ne suis pas sur la photo mais j’étais là le nez collé à la petite rainure de la grosse machine.

Nous habitions une toute petite ville dans une campagne jolie mais perdue de l’ouest de la France. L’ennui était un art de vivre. On vivait avec, on s’amusait avec.

La photo représente ma sœur avec mon cousin et mon frère, les 3 ratatinés dans la cabine du photomaton, essayant d’équilibrer leurs corps sur le tabouret et leurs têtes dans le cadre de photo. Ma sœur, qui est l’aînée, semble contrôler la troupe, mon cousin et mon frère, tous deux pris d’un énorme fou rire, nerveux ou pas.

Quand je regarde cette photo, reviens en moi cette époque d’insouciance, où on s’amusait de peu. Essayer de se caler dans cette cabine, faire bonne figure et ne pas fermer les yeux au coup de flash, provoquait en nous des rires communicatifs.

Aujourd’hui c’est ce qu’il me reste d’elle et de cette époque. Je regarde cette photo, ai-je vraiment fait le deuil ?


Photo : NPF.1 – VisualHunt.com

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J’aime beaucoup, mais je dois avouer être resté sur ma faim… On dirait une très bonne phase d’exposition (soit le tiers d’un récit) visant à nous mener vers un récit plus long. On aurait aimé qu’après la question finale cela embraie sur un récit porteur d’un argument. Que sais-je ? Exemples : la photo qui devient obsédante problème que le personnage doit résoudre/exorciser, une continuité de la réflexion du personnage qui s’achève par que lumière vers le deuil ou le constat que, si, il avait été fait ? Bref, que le texte qui pose une question (que le lecteur est tout-à-fait prêt à ce moment à considérer, à partager) aille vers une réponse, quelle qu’elle soit. Il y avait beaucoup de potentiels à travailler : un climat, des clairs-obscurs, de la lumière, des petites choses et gestes délicats du quotidien… De la tendresse… Et cela pouvait être continué avec la même délicatesse que celle sensible depuis le début.

Je trouve donc, si je puis me permettre, qu’il est vraiment dommage vue la qualité de ce texte (j’adore cette phrase : « L’ennui était un art de vivre ». Tout est magistralement dit), que Mano ne soit pas allée plus loin. Mais il y a peut-être une part d’histoire personnelle qui ne permet pas ce développement…

Mano,

J’ai adoré aussi et j’aurai aimé lire plusieurs lignes de plus ….
C’est infiniment bien écrit, fait de souvenirs, d’instantanés et de poésie. Le rendu du mélange des « genres » est absolument délicieux. Merci pour cette jolie page de vie ……

Mano, ton texte est très touchant, très délicat, de la dentelle en quelque sorte. Peut-être que je m’arrêterais juste avant la dernière phrase, et presque même juste avant les 2 dernières, elles sonnent moins que le reste ou différemment, même si j’entends bien que c’était pour amorcer un retour à la (dure) réalité, le maintenant.

Mano, le cœur serré à l’écoute de ta confidence … touchée, émue.
Je rejoins Ann sur les deux dernières phrases, j’ai ressenti un petit décrochage et je me suis dit que c’était peut-être pour dire « allez, il faut aller de l’avant maintenant »…